Quatre Kényans contre l’empire britannique

Victimes de la répression coloniale contre les rebelles mau-mau, ces ex-détenus kényans demandent réparation.

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 13 avril 2011 Lecture : 2 minutes.

Ndiku Mutua est kényan. Il a 78 ans. En 1957, il a été arrêté pour avoir fourni de la nourriture à la rébellion mau-mau. Prisonnier, il a été battu, déshabillé, menotté et castré. Paulo Nzili a 83 ans. Après son arrestation en 1957, il a reçu des coups de bâtons tous les jours – et on lui a arraché le sexe avec des tenailles. Wambugu wa Nyingi a 82 ans : resté neuf ans en prison, il a été battu jusqu’à perdre conscience et a vu seize de ses compagnons de cellule tabassés à mort. Jane Muthoni Mara, 71 ans, a été torturée, fouettée, abusée… Susan Ngondi, elle, ne connaîtra jamais l’issue de l’action en justice que ces Kényans ont entreprise à l’encontre du gouvernement britannique : elle est morte avant l’ouverture du procès, ce 7 avril, devant la Haute Cour de justice de Londres.

Archives dévoilées

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Face aux atrocités évoquées par les plaignants, les avocats du Foreign Office campent sur une position simple. Pour eux, la responsabilité juridique de l’ancien pouvoir colonial a été transférée au gouvernement kényan après l’indépendance du pays, en 1963. Il n’empêche : pendant plus d’une semaine, les exactions britanniques en Afrique de l’Est seront largement évoquées. Les historiens peuvent déjà se réjouir. L’affaire a en effet permis la découverte, dans les archives du Foreign Office, de documents que l’on pensait perdus. Des pièces discrètement rapportées au Royaume-Uni en 1963 ont été versées au dossier. Elles permettront de mieux connaître le conflit sanglant qui opposa, entre 1952 et 1960, l’administration coloniale à un mouvement indépendantiste kikuyu plus radical que l’Union africaine du Kenya (KAU) de Jomo Kenyatta. Et peut-être de préciser le nombre de victimes. Les chiffres officiels font état de 11 000 morts côté Mau-Mau – et 32 côté colons –, les plus hautes estimations dépassent les 50 000… La répression fut particulièrement brutale. Quoi qu’il en soit, pour les avocats du cabinet Leigh Day & Co, qui représente les plaignants, ce procès est « une opportunité pour le gouvernement britannique de se réconcilier avec le passé et de présenter des excuses aux victimes et au peuple du Kenya ». « Je veux la justice pour mourir en paix », affirme de son côté Wambugu wa Nyingi. Quelque 1 400 détenus kényans de l’époque sont encore vivants.

S’il présente in fine ses excuses aux Kényans et si d’autres archives secrètes voient le jour, le Royaume-Uni devra sans doute faire acte de contrition auprès des Chypriotes, des Malaisiens, des Nigérians et des Palestiniens. Le Premier ministre David Cameron pourrait s’y résoudre. N’a-t-il pas reconnu, lors d’une visite au Pakistan le 5 avril, que les Britanniques étaient « responsables » d’un « grand nombre de problèmes dans le monde » ?

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