Connaissez-vous le « Paris noir » ?

Alain Mabanckou, écrivain franco-congolais

« Les Carnets de l’Afrique à Paris », de Catherine M’Boudi et Alain Korkos, éd.Parigramme, 144 pages © D.R.

« Les Carnets de l’Afrique à Paris », de Catherine M’Boudi et Alain Korkos, éd.Parigramme, 144 pages © D.R.

ProfilAuteur_AlainMabanckou
  • Alain Mabanckou

    Alain Mabanckou est écrivain et professeur de littérature francophone à UCLA (États-Unis). Depuis 2016, il occupe la chaire de création artistique au Collège de France.

Publié le 18 avril 2011 Lecture : 2 minutes.

Lorsque j’ai reçu le manuscrit des Carnets de l’Afrique à Paris pour en faire la préface, je ne connaissais pas les auteurs. Catherine M’Boudi travaille dans l’édition et a été journaliste de presse africaine. Alain Korkos, lui, est un auteur et illustrateur jeunesse et adulte. Au fond, me disais-je, je n’aime pas préfacer un livre, sachant qu’il n’a pas besoin d’un autre auteur pour survivre. Lorsque je le fais, je me limite à souligner l’intérêt que l’ouvrage aurait auprès du lecteur, sans émettre un jugement excessif.

En préfaçant donc Les Carnets de l’Afrique à Paris j’ai enfreint cette règle. Parce que c’est un livre utile. Parce que c’est un livre qui parle de nous. Parce que c’est un livre qui me remet au cœur des thématiques de certains de mes romans : la vie des Noirs en France et le regard que l’Autre – l’Européen – porte sur eux. Le travail de M’Boudi et Korkos était, par conséquent, une entreprise délicate, les deux auteurs étant des Européens – avec tout le danger de l’exotisme et du paternalisme que cela aurait pu entraîner. Et puis, les Noirs de Paris ne se laissent pas observer par le premier venu. Ils ont raison : beaucoup d’écrits, de reportages télévisés sont souvent « orientés », et donc destinés à les « noircir ». En somme, il faut aimer ce « Paris noir » pour gagner la confiance de ses acteurs et installer un dialogue fondé sur cette confiance.

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C’est ce qu’ont réussi Catherine M’Boudi et Alain Korkos à travers des illustrations et des textes marqués par une sincérité et une humilité évidentes. Ici ce ne sont plus ces auteurs qui parlent, mais ces Africains eux-mêmes. Comment arrivent-ils en France ? Que font-ils à Paris ? Où vivent-ils ? Quels sont les lieux des ambianceurs ? Où trouvent-ils les aliments de leur continent ? Quels sont les grands écrivains de leur littérature ? Qu’en est-il de cette musique africaine qui irrigue les autres musiques du monde ? Qui sont ces marabouts qui distribuent leur carte de visite à l’entrée des métros ? Où dénicher la presse africaine ? Qui sont les sapeurs ?

À la fin de l’ouvrage, un carnet d’adresses de ce « Paris noir » vous guidera dans les lieux « où tout se passe » si par malheur vous ne saviez pas danser ou vous vous demandiez où prendre un verre, où acheter des livres, où faire vos courses. Et tout cela avec un plaisir de lecture et un humour sans cesse corrosif. Ce qui manque à la plupart des ouvrages qui parlent de « nous » et qui, jusqu’alors, ont causé du tort à ces hommes et à ces femmes, artisans des cultures de la Ville Lumière de demain…

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Par Alain Mabanckou, écrivain franco-congolais

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