Bourse : malgré la baisse, les affaires continuent
Affectées par le « printemps arabe », les places du continent accusent de fortes chutes, et les gérants sont partagés entre attentisme et prise de risque. Le point sur les valeurs qui ont la cote.
Les temps sont durs pour les Bourses africaines. Aux crises politiques puis économiques à Tunis et au Caire – deux des principales places du continent – a succédé la décision d’un grand nombre d’investisseurs internationaux de redistribuer une partie des sommes investies sur les marchés émergents, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, vers les pays développés. Sur les deux premiers mois de l’année, plus de 21 milliards de dollars (environ 15 milliards d’euros) ont été retirés des fonds d’actions des marchés émergents, selon le cabinet Emerging Portfolio Fund Research.
Des sorties massives dont la cause est claire – la montée de l’instabilité dans les pays pétroliers du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord – et dont les conséquences se sont fait sentir un peu partout sur le continent. L’indice MSCI EFM Africa, qui couvre les sept principales places africaines, enregistrait fin mars une baisse de 9,1 % depuis le début de l’année (voir infographie), contre – 2,8 % pour l’ensemble des marchés émergents.
Accros à l’"agro"
Selon leur appréhension du risque, certains gestionnaires africains sont donc aujourd’hui attentistes. « Il y a beaucoup d’élections sur le continent cette année, un phénomène que craignent les marchés, explique Malek Bou-Diab, gérant du fonds BB African Opportunities. Nous avons donc réduit notre position sur toutes les places. » À l’inverse, d’autres investisseurs restent à l’achat. « Au Nigeria, nous envisageons une issue positive pour l’élection présidentielle d’avril, et une bonne performance générale du marché actions durant la seconde partie de l’année, estime John Mackie, responsable Afrique chez Stanlib. Les valorisations des banques, en particulier, sont revenues à des niveaux très attractifs. » Plusieurs titres ont la cote ces temps-ci – notamment Access Bank, Guaranty Trust Bank ou First City Monument Bank –, même si quelques gérants s’inquiètent des errements commis par le passé en matière de gestion.
L’agro-industrie aussi est à la mode. Les sociétés qui maîtrisent la production depuis les champs profitent en effet à plein du boom des prix des produits agricoles. C’est le cas par exemple d’une valeur comme SIPH (cotée à Paris), qui, si elle souffre de la crise ivoirienne, devrait bénéficier de sa présence dans toute l’Afrique de l’Ouest. Malek Bou-Diab apprécie tout particulièrement des valeurs cotées sur les marchés internationaux comme Equatorial Palm Oil ou Feronia Inc., producteur d’huile de palme en RD Congo. Dans un secteur proche, les valeurs alimentaires en général et les brasseurs en particulier continuent d’être prisés : l’activité est peu risquée, peu cyclique, et doit bénéficier à moyen terme du boom de la classe moyenne africaine.
À l’opposé, en termes de risques, David Damiba, gérant chez Renaissance Asset Managers, propose un pari plus spéculatif : « Une compagnie minière junior, Beacon Hill Resources, qui exploite une mine de charbon au Mozambique et est cotée à Londres. Elle commencera à produire dès l’année prochaine avec un Ebitda [revenu avant intérêts, impôts, dotations et provisions, NDLR] prévu à 100 millions de dollars en 2013, pour une capitalisation boursière actuelle de 160 millions de dollars. »
Radar
À mesure que la baisse des cours des valeurs télécoms se confirme (lire ci-contre), le secteur pourrait revenir dans le radar des gérants panafricains. Le sud-africain MTN, dévalorisé depuis l’échec des tentatives de fusion avec des groupes indiens puis avec l’égyptien Orascom, tout comme le kényan Safaricom figurent parmi les valeurs préférées. Mais à court terme, seul Sonatel semble avoir la faveur des investisseurs. « C’est une valeur refuge, tranche Julien Véron, analyste auprès d’Investec Africa Fund. Elle verse beaucoup de dividendes, et la valorisation n’est pas mauvaise, surtout par rapport à d’autres valeurs du secteur télécoms. »
La Bourse du Caire, dont les portes viennent de rouvrir et où le marché a chuté de près de 30 % depuis le début de l’année, pourrait offrir rapidement de belles opportunités d’investissements. À Tunis en revanche, si les gérants ont conservé leurs positions sur le marché, ils ne voient guère à ce jour de nouvelles opportunités, malgré la forte baisse enregistrée par la place depuis le début de l’année (– 14 % environ). Le Maroc reste également boudé, le marché étant jugé trop cher. Mais les gérants attendent tout de même avec la plus grande attention le désengagement prochain du holding royal SNI de plusieurs valeurs. Certaines – comme Attijariwafa Bank, Centrale laitière ou Lesieur Cristal – pourraient alors enfin attirer toute l’attention qu’elles méritent.
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