Et au milieu coule le fleuve Niger

Niamey grandit trop vite. La capitale manque de logements, d’infrastructures, d’un plan de développement… À cheval sur le fleuve Niger, elle réserve cependant quelques douceurs. Reportage.

Le pont de l’Amitié-Sino-Nigérienne, un ouvrage de 25 milliards de F CFA, inauguré le 19 mars. © Xinhua/Zuma/Rea

Le pont de l’Amitié-Sino-Nigérienne, un ouvrage de 25 milliards de F CFA, inauguré le 19 mars. © Xinhua/Zuma/Rea

Publié le 18 avril 2011 Lecture : 4 minutes.

Niger : démocratie, le grand retour ?
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Niger : démocratie, le grand retour ?

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En vingt ans, la population de la capitale nigérienne a explosé, passant de quelque 455 000 habitants en 1991 à plus de 1,3 million aujourd’hui, le tout sans le moindre programme de construction de logements, d’extension du réseau de voirie ou de développement des capacités de traitement des déchets. Résultats : une capitale engorgée et sale, et une sensible augmentation du nombre d’occupants par logement. L’accroissement de la population de Niamey – supérieur à 6 % par an sur les cinq dernières années, soit près du double de la croissance démographique nationale, qui s’élève en 2010 à 3,3 % – n’est pas la conséquence d’une fécondité particulière des femmes de la capitale, mais plutôt celle d’un exode rural provoqué par une succession de crises alimentaires sévères.

L’absence de plan concerté visant à remédier au manque de logements s’est longtemps accompagnée d’une gestion catastrophique de l’espace urbain et d’une désastreuse politique de lotissement opérée par l’État et les collectivités locales (Niamey est subdivisé en cinq communes). Ainsi, les réserves foncières du domaine public ont été loties, hors de toute règle urbanistique, sous forme de parcelles destinées à compenser les arriérés de salaires des fonctionnaires. D’où un développement anarchique des quartiers d’habitation et une saturation du centre-ville.

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Mais aujourd’hui, plus qu’à un déficit législatif, ces maux sont dus aux défauts dans la mise en œuvre de l’arsenal de textes existants. En effet, en 2004, le gouvernement de Mamadou Tandja a adopté une Stratégie nationale de développement urbain (SNDU), document sectoriel renforcé deux ans plus tard par un programme gouvernemental de rénovation du centre-ville de Niamey – qui a erré dans les limbes de la bureaucratie sans connaître la moindre esquisse de mise en œuvre.

Bidonvilles

Pis, en l’absence de politique de l’habitat, la seule source de nouveaux logements est l’« autoconstruction ». Or si certaines opérations immobilières sont menées officiellement, à titre individuel ou dans le cadre de coopératives, la majorité des nouveaux bâtiments relève du secteur informel – autrement dit les bidonvilles – et s’affranchit donc de toute norme de confort et d’hygiène. Pour Adamou Garba, architecte installé à la périphérie de la capitale, « plus de la moitié des habitants de Niamey vivent dans des logements qui ne répondent pas aux normes standard caractérisant l’habitat dans les grandes agglomérations ».

Et ce n’est pas, loin s’en faut, le seul domaine dans lequel les infrastructures de la capitale sont prises en défaut. À Niamey, la comparaison entre le nombre de routes bitumées et de pistes en latérite tourne largement à l’avantage de ces dernières. « Même pour accéder à la résidence du nouveau président, Mahamadou Issoufou, à proximité de la cité Onarem, on est obligé de traverser une longue piste non bitumée, déplore Sanda, chauffeur dans une entreprise publique. Ces voies sont un calvaire pour les automobilistes et pour leurs véhicules. »

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Sous-équipement

Le déficit d’infrastructures se traduit également dans le domaine culturel : pas la moindre salle de cinéma ni de théâtre, aucune galerie d’art. Pour les concerts et autres animations artistiques, Niamey ne dispose que de deux espaces dignes de ce nom : le Palais des congrès et le Centre culturel franco-nigérien (CCFN).

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En matière d’infrastructures sportives, le sous-équipement est encore plus criant. Les stades de football se comptent sur les doigts d’une main et on ne recense qu’une seule salle couverte destinée aux sports collectifs. Les tatamis sont rares pour les nombreux amateurs de judo et de karaté. Quant aux adeptes de la natation, ils n’ont le choix qu’entre les piscines des grands hôtels de la place et… le fleuve. Mais contrairement à ce que l’indigence des équipements publics pourrait laisser penser, vivre à Niamey a aussi ses charmes. 

Ville verte

Écrin de verdure dans un océan de sable et de rocaille, la capitale chevauche le fleuve Niger, s’étendant plus largement sur la rive gauche (qui abrite quatre des cinq communes de Niamey). Et autant que par leur pauvreté, ses habitants se distinguent par leur gentillesse et leur générosité. Paradoxalement, l’instabilité politique du Niger n’a jamais valu à sa capitale une mauvaise réputation en matière de sécurité pour l’étranger de passage.

Le rapt, le 7 janvier, de deux Français au maquis Le Toulousain, avec la fin tragique que l’on sait, avait certes provoqué un début de panique et une nette baisse de la fréquentation des espaces publics. Mais très vite les noctambules ont repris leurs habitudes, et les night-clubs se sont à nouveau remplis de fêtards invétérés.


Des Nigériens quittant leurs habitations à Niamey après les inondations, le 6 août 2010.
© AFP

Rituel vespéral

Au bord de la Tamise, on parlerait de tea time ; sur les rives du fleuve Niger, on appelle ce cérémonial « brochettes au Grand Hôtel ». La terrasse de cet établissement (quatre étoiles) au luxe austère est l’endroit le plus prisé par les habitants nantis de Niamey et les expatriés – mais pas à n’importe quelle heure de la journée. À partir de 17 heures, plus une place de libre pour un spectacle chaque jour plus séduisant : le coucher du soleil sur la berge du fleuve, que l’on contemple en mangeant de succulentes brochettes de filet de bœuf. Les couleurs d’un astre déclinant, les odeurs de grillades qu’exacerbent les effluves d’épices exotiques et la levée d’une brise fraîche qui chasse les fortes chaleurs de la journée : autant d’ingrédients pour que la magie opère.

Une fois le soleil définitivement couché, le must pour les noctambules est de se retrouver à La Cloche. Mi-pub mi-restaurant, l’endroit joue le rôle d’étape en attendant l’ouverture – tardive – des boîtes de nuit. Cuisine tex-mex et mezze libanais sur fond de musique rock à pleins tubes. Mais le Niamey by night n’occupe qu’une infime partie de la capitale, un espace concentré dans le centre-ville et le long du fleuve, où se trouve La Flottille, seul établissement qui propose de la musique live. Les autres quartiers s’enveloppent d’obscurité et de silence. Les masses laborieuses s’y reposent, reconstituant leur force de travail.

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