À ses militaires le Niger reconnaissant

Depuis cinquante ans, la Grande Muette a presque toujours dirigé le pays et géré les affaires publiques. Aujourd’hui, républicaine avant tout, elle retourne à ses casernes et à la défense du territoire.

Manifestation de soutien à la junte, le 20 février 2010, devant l’Assemblée nationale. © Rebecca Blackwell/AP

Manifestation de soutien à la junte, le 20 février 2010, devant l’Assemblée nationale. © Rebecca Blackwell/AP

Publié le 18 avril 2011 Lecture : 4 minutes.

Niger : démocratie, le grand retour ?
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Niger : démocratie, le grand retour ?

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En un peu plus d’un demi-siècle d’existence, le Niger indépendant a connu quatre coups d’État et été administré directement par des militaires durant près de trente-trois ans. Aux dix-huit années de pouvoir militaire qui ont suivi le putsch du colonel Seyni Kountché (1974-1992) s’ajoutent les trois ans du général Ibrahim Maïnassara Baré (1996-1999), les huit mois du commandant Daouda Mallam Wanké (d’avril à décembre 1999) et les dix ans de règne du colonel Mamadou Tandja, arrivé au pouvoir par la voie des urnes en décembre 1999 et renversé par le putsch du 18 février 2010.

Jusqu’aux treize mois et demi de la transition dirigée par le général Salou Djibo, qui prend fin le 7 avril avec l’investiture de Mahamadou Issoufou, l’un des deux seuls civils élus au suffrage universel à la présidence de la République du Niger. L’autre étant Mahamane Ousmane, chef de l’État entre mars 1993 et janvier 1996.

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L’armée nigérienne bat un autre record : celui de la longévité de sa primauté sur la gestion des affaires locales. Qu’il ait été civil ou militaire, le pouvoir nigérien a presque toujours nommé des officiers supérieurs aux postes de gouverneurs de région.

Au fil des putschs

« L’étendue du territoire, la fragilité de la situation socioéconomique et l’instabilité politique nourrie par les rivalités ethniques et les rébellions récurrentes ont imposé ce choix, affirme un général à la retraite. L’armée nigérienne n’est ni putschiste dans l’âme ni avide de pouvoir. Chacune de ses intrusions dans la vie politique a été provoquée par la faillite de la gouvernance des civils. »

À bien y regarder, mis à part celui de Seyni Kountché en 1974 (alors que la mode en Afrique était au « redressement révolutionnaire »), les coups d’État ont été consécutifs à un blocage institutionnel dû à l’entêtement et aux chamailleries des politiques.

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Tirant, sans doute, les leçons de son apprentissage des arcanes du gouvernement, au fil des putschs, l’armée nigérienne s’est mise à respecter ses engagements de remettre le pouvoir à l’issue d’une période de transition. La plus brève étant celle qui a suivi l’assassinat par des éléments de sa garde présidentielle du général Baré, en avril 1999. L’armée a alors exercé la gestion du pays pour une durée de huit mois, qui s’est achevée le 22 décembre avec l’entrée en fonction de Mamadou Tandja, élu lors du scrutin présidentiel de novembre 1999.

Le 7 avril 2011, avec l’investiture du nouveau chef de l’État élu Mahamadou Issoufou, prend fin la période de transition présidée par le général Salou Djibo, chef du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD), la junte au pouvoir. Les lauriers que tisse la communauté internationale à Djibo, saluant le respect de ses engagements et la qualité du travail institutionnel et législatif accompli durant la transition, valent à l’armée nigérienne le qualificatif de « républicaine » plutôt que celui de « putschiste ». Paradoxalement, cette transition fut loin d’être un long fleuve tranquille.

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Un coup risqué

Deux éléments distinguent le coup d’État du 18 février 2010 des précédentes intrusions de l’armée dans la vie politique. Initiative exclusive de Djibo, alors qu’il commandait, en tant que chef d’escadron, la 5e compagnie de commandement d’appui et de services (CCAS, unité d’élite chargée de la protection de la capitale et de la sécurisation des institutions), c’est le premier coup d’État opéré sans le concours de l’état-major de l’armée.

Seyni Kountché et Ibrahim Maïnassara Baré avaient respectivement pris le pouvoir en étant préalablement chef d’état-major ; quant au commandant Daouda Mallam Wanké, il y avait associé la haute hiérarchie militaire. Salou Djibo a procédé autrement. Face à leur tiédeur devant les dérives autocratiques de Tandja, il a pris ses responsabilités sans avertir ses supérieurs, notamment le général Moumouni Boureïma, alors chef d’état-major des armées et éminence grise du pouvoir, aujourd’hui ambassadeur au Caire. « C’est dire les risques qu’il a encourus, analyse un général nigérien. Mais en réussissant à renverser Tandja, il a mis tous les officiers devant leurs responsabilités. »

Seconde particularité de la période qui s’achève ce 6 avril : les heurts auxquels a été confrontée la junte. À mi-chemin de la transition, en octobre 2010, quatre membres du CSRD – dont le colonel Abdoulaye Badié, ex-numéro deux du régime – sont arrêtés, accusés de fomenter un complot contre le général Salou Djibo, sans le moindre début de preuve. Ancien directeur général de l’intendance militaire, très populaire auprès de la troupe, le colonel Badié est par ailleurs réputé intègre.

Un mois plus tard, un autre membre éminent de la junte, le colonel Hassane Mossi, chef d’état-major de l’armée de l’air, est mis aux arrêts pour dénonciation calomnieuse à l’encontre des quatre officiers accusés de complot. Ces derniers ne sont cependant ni blanchis ni réintégrés. Le colonel Badié quitte son lieu de détention, mais reste assigné à résidence. Tous les quatre ont comparu le 7 mars devant un conseil de discipline militaire qui pourrait décider leur radiation de l’armée. Parallèlement à cette procédure disciplinaire, une instruction est toujours en cours pour décider s’ils doivent être renvoyés devant un tribunal et jugés. Un couac qui devrait être la seule ombre au tableau de la transition du soldat Djibo.

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