Vive le (vrai) journalisme !
On parle beaucoup en ce moment de « révolutions Facebook ». La plupart des commentateurs saluent en termes dithyrambiques l’utilisation des réseaux sociaux, d’internet, de YouTube, par les jeunes des pays arabes. Bien sûr, c’est formidable, si cela permet à l’information de circuler, aux gens de s’exprimer (et surtout de s’instruire), à un débat fructueux de prendre forme, etc.
Mais est-ce vraiment le cas ? Quelle est la nature de cette information qui circule sur internet, où personne n’est responsable de rien, où aucun rédac’ chef ne contrôle les « papiers » que produisent des blogueurs anonymes ? Ceux qui fréquentent le Net le savent : les « news » le plus souvent reprises se révèlent être des bobards, de la propagande, de l’intox pure et simple. « Une information plus un démenti, cela fait deux infos pour le prix d’une », disait Yvan Audouard. Et il ajoutait : « Et c’est toujours la fausse qui reste dans les mémoires. » Aujourd’hui, c’est pire. Au moins, à l’époque, les démentis existaient vraiment : on était tenu de les publier, avec les mêmes caractères et la même longueur que l’article fautif. Qui dément quoi que ce soit aujourd’hui dans la jungle d’internet ? Un bobard, une calomnie, et votre réputation est souillée à jamais – ils sont rares, les blogueurs qui reconnaissent s’être trompés…
Surtout, il n’y a plus aucune hiérarchisation de l’info. Un « blogueur » s’exprime avec autorité sur tous les sujets, par exemple sur l’économie – la base de tout – même s’il est incapable de définir correctement les concepts d’inflation ou de PIB. Qui contrôle ses connaissances ? J’ai vu avec stupéfaction des textes réclamant au Maghreb « la suppression du système d’économie libérale ». Très bien : alors, on refait l’Albanie ? La Corée du Nord ?
Quant à la démocratie, internet la favorise-t-elle vraiment ? Quand des blogs réclament la prison (sans jugement ?) pour des ministres dont la tête ne leur plaît pas, quelle est exactement leur conception de la démocratie ? Quand ils disent « le peuple veut », on se demande à quel titre un bonhomme penché sur un ordinateur dans une téléboutique peut prétendre parler au nom du peuple. Qui l’a élu ?
Enfin, le débat est-il vraiment favorisé par la révolution informatique ? Il suffit de regarder comment ces gens anonymes et qui « échangent » par l’intermédiaire d’un écran se comportent entre eux pour devenir sceptique. Au bout de trois échanges, chacun met en doute la vertu de la mère de l’autre, et au bout de dix minutes, ils se traitent mutuellement de nazi.
Donc, saluons la révolution Youtruc et Facemachin, mais restons prudents : rien ne remplacera la bonne vieille salle de rédaction et les règles vénérables du journalisme, où l’on vérifie ses informations, où l’on distingue les faits du commentaire et où l’on ne prend pas ses désirs pour des réalités.
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