Opération séduction à Paris
Les entreprises hexagonales s’inquiètent des conséquences du printemps arabe sur leurs affaires. Pour les rassurer, une délégation de ministres et de patrons chérifiens s’est rendue dans la capitale française.
Ils sont six ministres à avoir fait le déplacement à Paris le 23 mars. Objectif de la task force gouvernementale menée par Salaheddine Mezouar, ministre de l’Économie et des Finances : rassurer les patrons français qui s’inquiètent du risque de contagion des révolutions nord-africaines.
Les quelque 1 000 entreprises hexagonales présentes au Maroc (dont 39 du CAC 40) suivent anxieusement la contestation sociale en cours dans le pays. Lors des manifestations des 20 février et 20 mars, certaines ont été pointées du doigt, notamment Veolia à Tanger et GDF Suez à Casablanca, pour leurs tarifs d’eau et d’électricité. Certains investisseurs français craignent également un retour au protectionnisme, notamment en matière agricole.
Organisée par les patronats français (Medef) et marocain (CGEM), et financée par Attijariwafa Bank et Vivendi (dont les présidents Mohamed El Kettani et Jean-René Fourtou sont actifs dans les cercles franco-marocains), cette opération de communication bien huilée, intitulée « Où en est le Maroc ? », a attiré plus de 800 hommes d’affaires et hommes politiques dans les salons de l’hôtel Méridien Étoile. Pour prêter main-forte aux ministres, 50 grands patrons marocains étaient de la partie, parmi lesquels Abdeslam Ahizoune (Maroc Télécom), Anas Sefrioui (groupe immobilier Addoha) ou encore Mohamed Lamrani (supermarchés Marjane).
Gages de confiance
Dans son message, Salaheddine Mezouar a présenté un royaume chérifien en avance sur la Tunisie et l’Égypte : « À la différence de ses voisins, le Maroc a entamé sa révolution voici dix ans. L’esprit d’entreprendre a été libéré, l’entreprise réhabilitée. Il faut prendre le réveil de la jeunesse et de la société arabe comme une bonne nouvelle, y compris chez nos voisins. Il place le monde arabe dans une dynamique positive, notamment sur le plan économique. » Par la suite, chacun des ministres a joué sa partition, rappelant au passage les grands plans économiques nationaux : Ahmed Chami pour le commerce et l’industrie, Amina Benkhadra pour l’énergie et les mines, Yassir Znagui pour le tourisme, Aziz Akhenouch pour l’agriculture, et Nizar Baraka pour la fiscalité.
Pour le gouvernement, qui compte poursuivre sur la voie de la croissance (4 % en 2010, 4,6 % annoncés pour 2011), la confiance de la France (premier investisseur au Maroc avec 663 millions d’euros en 2009) dans l’économie chérifienne est cruciale. Pour donner des gages, les ministres marocains ont par exemple confirmé, sur le plan fiscal, la disparition des droits de douane sur la plupart des produits européens à l’horizon 2012.
Mais la frilosité des investisseurs commence déjà à se faire sentir depuis le début de l’année, en particulier dans le secteur industriel. Même si, « pour le moment, il n’y a eu aucune annonce de report de grand projet », a précisé Ahmed Chami. Les sujets de crispation n’ont pas été éludés : Nizar Baraka a ainsi affirmé que la révision du contrat de Veolia à Tanger était à l’ordre du jour. « La responsabilité de l’État marocain est de protéger les investisseurs », a voulu rassurer Salaheddine Mezouar. Les mois à venir montreront s’il a convaincu ses hôtes.
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