Apprentis sorciers cherchent baguette magique

Après la tragédie de Fukushima, le monde entier s’interroge : faut-il renoncer à l’énergie atomique ? Et par quoi la remplacer ?

Manifestation antinucléaire, à Barcelone, le 17 mars. © Manu Fernandez/AP

Manifestation antinucléaire, à Barcelone, le 17 mars. © Manu Fernandez/AP

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 12 avril 2011 Lecture : 4 minutes.

Les Japonais peinant à maîtriser leur centrale électrique atomique de Fukushima, devenue folle sous le coup de boutoir du tsunami du 11 mars, l’opinion mondiale est en train de reprendre en grippe l’énergie nucléaire.

Le 23, le gouvernement italien a soumis à un moratoire d’un an le plan de relance de l’énergie nucléaire décidé par Silvio Berlusconi en 2008. Celui-ci prévoit la construction de quatre centrales destinées à produire un quart de l’électricité dont aura besoin l’Italie en 2020. Il faut dire que, selon un sondage de l’institut GN Research, trois Italiens sur quatre se disent hostiles à l’électricité issue de l’uranium. Dans la perspective du référendum du 12 juin sur la pertinence de l’atome comme source d’énergie, il était urgent de refroidir les craintes populaires…

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Même blocage en Allemagne, où, dès le 14 mars, cent mille manifestants ont demandé la fermeture des centrales nucléaires. La chancelière Angela Merkel a aussitôt décrété un moratoire de trois mois concernant les dix-sept centrales en activité, arrêté sept d’entre elles et ordonné une inspection générale.

Le 16 mars, la Chine a annoncé qu’elle suspendait l’examen de tout nouveau projet et ordonné une vérification de toutes les centrales en service. Cette décision ne remet pas en question les trente-cinq projets de création déjà approuvés.

Un Français sur deux

En Israël, le Premier ministre Benyamin Netanyahou parle désormais ouvertement de privilégier les centrales électriques fonctionnant avec le gaz naturel découvert au large de Haïfa. « Je pense que nous allons aller dans cette direction et éviter le nucléaire », a-t-il déclaré.

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En France, pays le plus nucléarisé du monde (80 % de l’électricité qu’il produit est d’origine atomique), une personne interrogée sur deux se déclare hostile à cette forme d’énergie. Mais le président Nicolas Sarkozy reste « convaincu de la pertinence du choix nucléaire ». Face aux partis traditionnels, qui, toutes tendances confondues, sont pronucléaires, les écologistes rappellent la dangerosité des déchets, dont les radiations mettront plusieurs milliers d’années à se dissiper. Ils s’inquiètent du coût de démantèlement des vieilles centrales et des risques catastrophiques d’emballement de leur cœur, comme à Three Mile Island (1979) ou à Tchernobyl (1986).

Le plus modéré d’entre eux, Nicolas Hulot, possible candidat à l’investiture des Verts pour l’élection présidentielle de 2012, milite pour la fermeture progressive des centrales françaises : « Ma conviction, dit-il, c’est qu’il faut sortir du nucléaire […]. On ne peut pas en sortir comme ça, par un coup de baguette magique, mais il faut pourtant garder cet objectif. »

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Nulle baguette magique, en effet, pour faire disparaître l’atome de la production d’énergie électrique. Il y a 435 réacteurs en fonctionnement dans le monde. Deux cent cinquante autres sont programmés au cours des vingt prochaines années. Ni la Chine, ni la Turquie, ni l’Indonésie, ni la Thaïlande, ni les pays d’Europe de l’Est n’ont la moindre intention de renoncer à leurs installations en activité, ni même à leurs projets.

En finir avec l’atome relève de la quadrature du cercle. Car par quoi le remplacer ? Il présente l’avantage considérable de n’émettre aucun gaz à effet de serre. Or en 2050, il faudra deux fois plus d’énergie et deux fois moins d’émission de gaz carbonique pour empêcher que la température moyenne de la planète ne s’élève de plus de 2 °C à la fin du siècle.

Au temps de la bougie

Le photovoltaïque ? Il transforme en électricité à peine 15 % de l’énergie solaire. Et le kilowatt qu’il produit coûte dix fois plus cher que le kilowatt nucléaire. Sans compter que le soleil ne brille pas la nuit. Et pas beaucoup les jours de pluie…

L’éolien ? Pour remplacer les 58 réacteurs français, il faudrait 40 000 éoliennes en rangs serrés le long des côtes, contre 3 500 aujourd’hui. Le kilowatt éolien en mer coûte quatre fois plus cher que le nucléaire. Sans compter que le vent ne souffle, en moyenne, qu’un jour sur quatre… Restent le pétrole et le charbon. Tous deux font hurler les écologistes en raison des émissions de gaz à effet de serre qu’ils provoquent. Il est vrai que l’Allemagne, citée en exemple pour sa politique en matière d’énergies renouvelables et son abandon progressif du nucléaire, produit une électricité deux fois plus chère que la française. Et qu’elle rejette dans l’atmosphère 60 % de gaz carbonique de plus que la France, car elle utilise massivement ces deux sources d’énergie.

Et le gaz, abondant depuis qu’on l’extrait des schistes et deux fois moins dangereux pour l’atmosphère que le pétrole ? Il est hyperdangereux pour les nappes phréatiques et l’environnement, selon les écologistes.

Ceux-ci prétendent qu’il est possible de se passer de ces sources d’énergie sans pour autant revenir au temps de la bougie. Comment ? En réalisant des économies d’énergie et en améliorant l’efficacité de tous les appareils, de toutes les machines et de tous les éclairages. Sauf à mettre le cap sur la décroissance, dont les partisans n’abondent pas, cette évolution irénique semble peu vraisemblable.

Passé la légitime émotion soulevée par la tragédie de Fukushima, on entendra des voix s’élever en faveur d’un « mix » énergétique n’excluant ni le solaire, ni le pétrole, ni le ­nucléaire, ni les économies. On comprendra mieux alors qu’il n’existe pas d’énergie miracle. « Fukushima va nous obliger à nous dépasser dans nos calculs d’ingénieurs, conclut, dans L’Express du 24 mars, Pascal Colombani, ancien administrateur général du Commissariat français à l’énergie atomique (CEA). À faire preuve de plus d’imagination dans la prévision des risques et des mesures à prendre pour les prévenir. Et, plus généralement, à nous interroger sur la notion de risque acceptable. » La solution est à chercher en avant, pas en arrière. 

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