Tapis rouge pour le président guinéen Alpha Condé
Première visite officielle en France pour le nouveau président, bien décidé à ne pas paraître trop zélé tout en s’assurant le soutien nécessaire à la reconstruction de son pays.
La meilleure défense, c’est l’attaque… Alpha Condé a fait sienne cette antienne bien connue lors de sa première visite officielle en France, du 22 au 26 mars. Accusé d’avoir octroyé unilatéralement la concession du port de Conakry au groupe Bolloré en la retirant à une autre société française, Necotrans, il a tenu à désamorcer une querelle franco-française : « Cette société n’a pas respecté ses engagements. Bolloré, arrivé deuxième de l’appel d’offres, et Maersk, troisième, ont décidé de travailler ensemble. Il n’y a pas de raison de refaire une procédure. » Et s’est même montré assez dur – pour faire taire les critiques ? – envers l’homme d’affaires breton : « Je connais Bolloré depuis vingt-cinq ans. Il ne m’a pas rendu visite lorsque j’ai passé deux ans en prison. S’il ne respecte pas ses engagements d’investissement, nous reverrons sa concession. » Adepte du franc-parler, presque rigide pour certains, le chef de l’État guinéen n’a pas failli à sa réputation. À Paris, où il a vécu de nombreuses années, il n’était pas en terre inconnue. Nullement impressionné par les tapis rouges et les ors de la République, il a tenu à rappeler au président français et à son Premier ministre, François Fillon, qu’il tenait à être traité d’égal à égal. Nicolas Sarkozy lui a demandé de « l’aider sur la Côte d’Ivoire ». En réponse, Alpha Condé lui a fait part de ses divergences de vue sur les dossiers ivoirien et libyen. « Je suis pour des solutions africaines », a-t-il plaidé, excluant « le retour de la force ».
Alpha Condé a néanmoins tendu la main à l’ancienne puissance coloniale. Il souhaite que Paris l’aide à obtenir une annulation de dette auprès des institutions de Bretton Woods, dès 2011, et accélère les discussions sur la reprise des financements européens, en partie bloqués jusqu’à la tenue des législatives en octobre. « Alpha » a rencontré Christine Lagarde, la ministre de l’Économie et des Finances, et les équipes de Bercy qu’il souhaite mobiliser pour assainir l’économie guinéenne et étudier les conditions d’une éventuelle entrée de la Guinée dans la zone CFA. Invité à dîner au ministère de la Coopération, il a évoqué la réforme de l’armée avec le titulaire du portefeuille, Henri de Raincourt, et le général Bruno Clément-Bollée, directeur de la coopération de sécurité et de défense du ministère des Affaires étrangères.
Amis de longue date
Le hall de l’hôtel Meurice, où séjournait le président guinéen, n’aura pas désempli. Condé a reçu chaque soir des hommes d’affaires, des politiques et, bien sûr, les amis de longue date. Parmi eux, le couple Chirac, qui l’a soutenu durant sa détention. De passage dans la capitale française pour faire un point avec Alain Juppé sur la Côte d’Ivoire et la Libye, Jean Ping, président de la Commission de l’Union africaine, a lui aussi poussé la porte du Meurice. Tout comme le patron d’EDF, Henri Proglio, et son conseiller Afrique, Michel Roussin. Condé a également reçu – et tenu à rassurer – Abbas Jaber, patron du groupe Advens, sur la sécurité juridique des investissements. Une délégation de sa filiale cotonnière, Géocoton, se rendra en avril en Guinée pour étudier les modalités de la relance des activités.
Et parce qu’il ne faut oublier personne, « Alpha » a vu ses amis de gauche Jean-Christophe Cambadélis, proche de Dominique Strauss-Kahn, et Harlem Désir. « N’oubliez pas que mon parti est membre de l’Internationale socialiste », a-t-il plaisanté. Quant à Bernard Kouchner, l’ancien chef de la diplomatie française, rencontré sur les bancs du lycée Turgot, à Paris, c’est à son domicile qu’Alpha Condé est allé lui rendre visite.
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