Agroalimentaire : consommation d’origine contrôlée
Longtemps boudés par les Sénégalais, les produits manufacturés locaux ont aujourd’hui la cote. Et commencent à gagner des marchés à l’export.
Le Sénégal peut-il bousculer ses concurrents ?
Confiture de mangues, sirop de bissap, crème à base de karité ou au miel de Casamance, niébés cuisinés… À Dakar, dans le sillage de La Maison du consommer sénégalais, les boutiques Panale, magasins de « produits africains normalisés et accessibles pour un développement local et environnemental » mis en place par Oxfam Grande-Bretagne, misent sur la fierté du « consommer local ». Et ça démarre plutôt bien. En 2010, pour leur première année d’exercice, les deux boutiques de la capitale ont réalisé un chiffre d’affaires de 23 millions de F CFA (35 000 euros).
Même constat, à une autre échelle, chez Zena Exoticfruits, qui affiche un chiffre d’affaires de 250 millions de F CFA. « Il y a dix ans, les consommateurs étaient persuadés que les produits importés étaient forcément de meilleure qualité que les produits locaux, explique Randa Filfili, la gérante de Zena Exoticfruits. Aujourd’hui, le “Made in Senegal” est devenu une accroche marketing. » À la fin des années 1980, la PME vendait localement de petites quantités de confiture. Désormais, elle exporte vers l’Europe et les États-Unis une gamme de produits manufacturés à base de fruits du pays et d’Afrique de l’Ouest. Surfant sur cette vague, les Conserveries de Dakar (Condak), spécialisées dans la transformation des produits de la mer et les plats cuisinés locaux, lanceront l’an prochain des conserves de légumes du pays (gombo, aubergine, piment…).
Outre le regain d’intérêt des consommateurs pour les produits issus du terroir ouest-africain, leur plébiscite a aussi ses raisons économiques. « Les produits agricoles importés étant de plus en plus chers, les gens se rabattent sur les produits locaux », remarque Ibrahima Diouf, de la direction des PME au ministère des Mines, de l’Industrie, de l’Agro-industrie et des PME. L’essor de ces entreprises est également crucial pour les quelque 60 % de la population sénégalaise – selon le Fonds monétaire international – qui tirent leurs revenus des activités agricoles. « Ce sont de nouveaux clients, qui créent de nouveaux débouchés pour la production », souligne Moustapha Ka, chargé des affaires agricoles à la Chambre de commerce de Dakar.
L’emballage, un plus
Actuellement, 30 % des PME sénégalaises, hors secteur informel, sont actives dans la transformation de produits locaux. L’objectif est qu’elles intègrent les normes internationales dans tous leurs process afin de satisfaire aux exigences des marchés étrangers (en termes de sécurité, de traçabilité, de qualité) et de pouvoir exporter.
À cet égard, l’emballage des produits est essentiel. Chez Zena Exoticfruits, les étiquettes des pots de confiture sont soignées. À La Maison du karité, à Dakar, le packaging des savons et des pots de crème est tout aussi léché… Mais, pour beaucoup, le gros problème reste l’accès au financement. L’Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises (Adepme) a lancé un partenariat avec Fumoa, société sénégalaise spécialisée dans le packaging, pour concevoir des emballages conformes aux normes internationales pour les jus et sirops.
« Nous organisons aussi des formations au système HACCP [Hazard Analysis Critical Control Point, NDLR] d’hygiène et de qualité, requis par l’Union européenne pour toute importation », souligne Marie Thérèse Diédhiou, directrice générale de l’Adepme. Pour séduire les distributeurs, chaque détail compte. « L’un des grands réseaux pour ces PME, ce sont les supermarchés Casino. Et ils ont des exigences fortes en matière de qualité, mais aussi de design, acquiesce Ibrahima Diouf. C’est pourquoi il est nécessaire de former les gens concernant le choix des matières premières, le conditionnement des produits, la régulation des stockages… »
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