Tourisme : trop chère Téranga sénégalaise
Entrée en vigueur en février, la baisse de la TVA sur l’hôtellerie, qui passe de 18 % à 10 %, redonne espoir aux professionnels. Tout n’est cependant pas gagné pour redorer le blason du pays auprès de la clientèle étrangère.
Le Sénégal peut-il bousculer ses concurrents ?
Mamadou Racine Sy est satisfait. Le PDG du groupe Sénégal Hôtels et du Syndicat patronal de l’industrie hôtelière au Sénégal (Spias) se félicite de l’application, depuis début février, de la baisse de la TVA sur le secteur hôtelier, qui passe de 18 % à 10 %. Il en est sûr, cette réponse du gouvernement à une revendication formulée de longue date par les professionnels va redonner un coup de pouce à l’activité, en berne depuis 2006. Elle devrait en effet permettre une baisse des prix et faire l’effet d’une vraie bouffée d’oxygène pour le secteur, étouffé par la cherté de la destination.
Première coupable : la hausse de la taxe passager, passée de 22 euros en 2004 à 65 euros en 2009 avec l’intégration d’une nouvelle taxe, la Redevance de développement des infrastructures aéroportuaires (RDIA), destinée à financer le nouvel aéroport Blaise-Diagne de Diass. Elle a été directement répercutée sur le prix du billet d’avion. Résultat, pour les vacanciers qui choisissent encore le Sénégal, « le seul coût du transport équivaut presque à un séjour tout compris au Maroc… » déplore Mamadou Racine Sy.
Fréquentation en berne
Alors que l’Afrique se distingue comme le seul continent où le tourisme a progressé en 2009 (+ 5 %, et même + 6,4 % pour l’Afrique subsaharienne), le Sénégal fait pâle figure. Selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), qui se base sur les données aéroportuaires, il n’enregistrait que 458 900 arrivées en 2009, 7,5 % de moins qu’en 2008. Le chiffre d’affaires de l’hôtellerie et restauration est en repli de 7,4 %. Même si l’année 2010 a marqué une très légère amélioration (+ 0,6 %), avec plus de 461 000 arrivées, le cap de 1,5 million de visiteurs en 2015 visé par le ministre du Tourisme, Thierno Lô, semble hors d’atteinte. Et les 9,3 millions de touristes enregistrés au Maroc en 2010 plus encore…
Il faudra beaucoup d’efforts pour voir le pays de la Teranga (« hospitalité », en wolof) sortir de l’ornière. « D’autres handicaps nous empêchent d’avancer, précise Mamadou Racine Sy, comme les problèmes en Casamance », la région sud du pays, en proie à une rébellion depuis plus de vingt-cinq ans. En outre, le parc hôtelier devient vétuste et, enfin, le pays n’a pas su mobiliser les moyens nécessaires pour communiquer : il ne consacre qu’un petit milliard de F CFA (un peu plus de 1,5 million d’euros) à la promotion de la destination, soit 0,3 % du chiffre d’affaires annuel du secteur. Conséquence : le soleil sénégalais s’éclipse des catalogues de voyages, y compris sur ses principaux marchés émetteurs. Ainsi, le nombre de visiteurs venant de France a diminué de 5,6 % en 2009 (ils représentaient encore 47,2 % de la fréquentation) et celui des touristes africains a chuté de 10,5 % (24,6 % du chiffre total). « Les moyens ne sont pas en adéquation avec les ambitions du pays, conclut le patron des hôteliers. Pourtant, la filière, génératrice d’emplois, de recettes aéroportuaires et de devises, est un pilier de la croissance économique, qui joue un rôle de levier pour les autres secteurs. »
Des signes encourageants
Alors, la baisse de la TVA suffira-t-elle à faire revenir la clientèle ? Du côté des institutions internationales, on reste sceptique : « Nous attendons déjà de voir si cette réduction sera répercutée sur les prix, explique Valeria Fichera, représentante permanente du Fonds monétaire international (FMI) à Dakar. Dans plusieurs pays où l’on a joué avec le taux de TVA, ni les consommateurs ni l’activité du secteur ciblé n’en ont vraiment bénéficié au final. »
D’autres signes encourageants redonnent néanmoins espoir à la filière. Le premier Salon international du tourisme de Dakar (TICAA), organisé en mai 2010 – et dont la deuxième édition aura lieu du 27 au 29 mai –, a par exemple été un franc succès, malgré, là encore, une faible communication : tour-opérateurs européens, américains et même russes ont fait le déplacement, prouvant l’intérêt suscité par le pays et ses 700 km de littoral. L’occasion de présenter quelques nouveaux établissements prometteurs. Mbodiène, à 100 km au sud de la capitale, doit ainsi accueillir un nouveau complexe de 1 200 chambres, selon Ousmane Ndoye, de la Société d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal. Le projet, dont la livraison est prévue en 2013, mobilisera 24 milliards de F CFA (près de 37 millions d’euros). Il associe l’État sénégalais, le groupe américain Mother Land ainsi que des promoteurs français, italiens et sénégalais, dont Sipres.
En outre, le décollage de Sénégal Airlines en janvier dernier pourrait améliorer l’accès depuis la sous-région. Enfin, le budget de l’Agence nationale de promotion touristique devrait sensiblement augmenter : la taxe de promotion touristique, qui lui est destinée, va passer de 600 à 1 000 F CFA la nuitée.
« Désormais, ajoute Mamadou Racine Sy, nous devons nous efforcer de créer un système de financement dédié au tourisme, un crédit avec un taux bonifié, car pour le moment il n’existe pas d’outils adaptés au secteur. » Or les besoins en financement vont s’accroître, étant donné que, pour développer et restructurer l’offre, les professionnels et les pouvoirs publics vont devoir aménager de nouveaux sites touristiques et remettre à niveau les infrastructures existantes.
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