Sénégal : prévoir et gouverner

Quelle place pour le Sénégal dans une Afrique de l’Ouest en mouvement ? Mauvais choix stratégiques, absence de politique économique claire ou versalité du chef sont autant d’explications du « paradoxe sénégalais ».

La nouvelle route de la Corniche, à Dakar. © Youri Lenquette pour J.A.

La nouvelle route de la Corniche, à Dakar. © Youri Lenquette pour J.A.

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Publié le 4 avril 2011 Lecture : 2 minutes.

Le Sénégal peut-il bousculer ses concurrents ?
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Le Sénégal peut-il bousculer ses concurrents ?

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Mais que diable manque-t-il au Sénégal pour devenir, compte tenu de ses atouts géographiques et politiques, le leader d’une sous-région en proie à l’instabilité ? Il y a, d’un côté, les multiples avancées constatées ces dernières années, malgré les retards à l’allumage ou à la conclusion : infrastructures multiples et variées, ouverture aux investissements étrangers, coopération multilatérale, etc. De l’autre, l’impression de naviguer à vue et d’oublier l’essentiel : quelle est l’identité du pays et, donc, ses atouts et ses handicaps dans la compétition économique qui se joue actuellement en Afrique de l’Ouest ? Alors que la Côte d’Ivoire s’enlise dans une crise sans fin, que le géant nigérian n’exploite pas la moitié de son hallucinant potentiel, que le Ghana poursuit son bonhomme de chemin sans pour autant prendre le pas sur ses concurrents, quel rôle peut jouer ce Sénégal stable et relativement homogène, « équipé » en moyens humains ? Celui qu’il se choisira, serait-on tenté d’écrire…

C’est là que le bât blesse : le Sénégal n’a jamais su (ou pu) se fixer un cap auquel il se tiendrait sur le moyen et le long terme. Outre la quête tous azimuts d’investisseurs – ce que tous les États de la planète peuvent faire –, le pays n’a pas de ligne directrice : on mise tantôt sur les nouvelles technologies, tantôt sur l’agriculture – sans résultats probants – ou sur les services au sens large, etc. On colmate, on bricole… Les problèmes d’électricité (production et fourniture) n’ont jamais été réglés et l’argument, logique, consistant à expliquer que le Sénégal ne produit pas de pétrole et qu’il ne peut donc être jugé responsable des délestages ne tient pas. D’autres pays africains, eux, parviennent à s’en sortir, sans exciper de leur absence de matières premières.

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Voici le véritable paradoxe sénégalais : le libéralisme est le socle du parti au pouvoir et de son chef, Abdoulaye Wade, mais la défiance vis-à-vis du secteur privé est notoire. Les décisions économiques majeures, l’octroi d’un certain nombre de marchés, la mise en concurrence de certains secteurs : tout, ou presque, émane de l’État et de sa tête. Le choix des entreprises, des hommes, des secteurs clés à développer incombe au chef. Or le chef en question est versatile. Il a les défauts de ses qualités, ce qui, en matière économique, peut poser problème. Abdoulaye Wade est un Zébulon : il ose, tente, essaye, se rétracte, trouve une autre voie, un chemin de traverse, rebrousse chemin. Il a une idée, tente l’expérience, constate échec ou succès et en tire les conséquences : parfois la marche avant, souvent la marche arrière.

À l’orée de la prochaine présidentielle (prévue en 2012), l’heure des comptes a sonné. Nul doute que le Sénégal a progressé et s’est doté d’outils indispensables à un développement économique pérenne. Il n’en demeure pas moins qu’il est loin de son potentiel présumé, que beaucoup de temps et d’énergie ont été gaspillés à tâtonner, essayer, faire et défaire. En matière économique, une seule règle – outre la pertinence des choix, évidemment : la vision, d’abord, la continuité ensuite. Il serait grand temps, d’ailleurs, que le débat politique permanent dont sont friands les Sénégalais se mue en vrai débat économique…

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