Niger : Mahamadou Issoufou ou la pugnacité récompensée

Mahamadou Issoufou a été élu, le 12 mars, président de la République du Niger, avec près de 58 % des suffrages, après trois tentatives infructueuses, dont la première remonte à 1992.

L’ex-opposant nigérien Mahamadou Issoufou le 8 mars 2011 à Niamey. © AFP

L’ex-opposant nigérien Mahamadou Issoufou le 8 mars 2011 à Niamey. © AFP

Publié le 25 mars 2011 Lecture : 4 minutes.

Le moins que l’on puisse dire est que l’homme est pugnace. Mahamadou Issoufou a été élu, le 12 mars, président de la République du Niger, avec près de 58 % des suffrages, après trois tentatives infructueuses, dont la première remonte à 1992, un an après son entrée en politique et la tenue de la Conférence nationale, qui a introduit le multipartisme au Niger. Après chacune de ses défaites (1992, 1999 et 2004), il a reconnu son échec, n’a jamais manqué de féliciter son rival, puis s’est inscrit dans ce qu’il appelle « une opposition responsable ».

Né en 1952 à Dan Daji, dans la région de Tahoua, Mahamadou Issoufou est un Haoussa. Après une licence et un mastère en mathématiques, à l’université Abdou-Moumouni, de Niamey, ce fort en thème obtient un diplôme d’ingénieur des mines en France. Son cursus est également jalonné d’un activisme syndical estudiantin. En 1980, il retourne dans son pays pour y occuper des responsabilités dans l’administration et au sein de la Société des mines de l’Aïr (Somaïr), dont il devient le secrétaire général. Il en démissionnera pour s’engager en politique. Convaincu de l’imminence du Grand Soir, il crée, en 1991, avec d’anciens compagnons de luttes syndicales, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS). Sa défaite au premier scrutin présidentiel pluraliste, en 1992, ne l’empêche pas de devenir Premier ministre au sein d’un gouvernement de cohabitation, sous la présidence du social-démocrate Mahamane Ousmane. Mais l’expérience tourne court, et il jette l’éponge au bout d’une année.

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Son parti étant la deuxième force politique du pays, il hérite, en 1995, du perchoir de l’Assemblée, qu’il conserve jusqu’au coup d’État du général Ibrahim Maïnassara Baré, le 27 janvier 1996. Commence alors une longue période de coalitions grandiloquentes, d’alliances de circonstance et de petites trahisons. Dans le marigot politique nigérien, Issoufou se distingue par sa constance et la cohérence de ses engagements. Actif au sein de l’Internationale socialiste, il enrichit son carnet d’adresses. Sur le front interne, il consolide sa position de leader de l’opposition. Intransigeant, prompt à mobiliser la rue, il ne redoute pas l’affrontement. Grèves et bras de fer s’enchaînent. Les pouvoirs successifs lui font payer sa ténacité : cabales judiciaires et calomnies, tandis que ses cadres et militants sont marginalisés par les pouvoirs publics.

La victoire de Mahamadou Issoufou marque la première véritable alternance démocratique au Niger. Hormis le bref intermède Mahamane Ousmane, la présidence de la République était accaparée, depuis 1974, par des militaires : du général Seyni Kountché au colonel Mamadou Tandja, en passant par le général Ibrahim Maïnassara Baré. Que fera ce civil de sa victoire ? Ses vingt années passées dans l’opposition et les épreuves que lui ont fait subir ses adversaires politiques au pouvoir peuvent-elles nourrir une volonté de revanche ? « Cela ne lui ressemble plus, analyse Amadou Garba, ancien leader syndical à la retraite, qui a longtemps milité aux côtés du nouveau président de la République. L’homme s’est assagi et le politique a mûri. » Autre perspective redoutée : la tentation de transformer l’État-MNSD (du nom de l’ancien parti unique que dirigeait Mamadou Tandja) en État-PNDS. Mais, là aussi, le risque est minime. « Issoufou a toujours combattu la privatisation de la gestion des affaires de la cité, explique Amadou Boubacar Cissé, ancien Premier ministre et allié d’Issoufou au sein de la CFDR [Coordination des forces pour la démocratie et la République, NDLR], ce n’est pas à son âge qu’il va s’y mettre. » Des propos confirmés par les premières déclarations d’Issoufou à l’issue de sa victoire. S’agissant de la CFDR, alliance politique qui avait combattu le tazartché – « continuer sans s’arrêter », en haoussa – de Tandja et qui a soutenu le candidat du PNDS, il a précisé que ses membres « ne s’étaient pas entendus sur une répartition des postes, car la bonne gouvernance est incompatible avec l’idée de partage des responsabilités et des hautes fonctions de l’État ».

Si Mahamadou Issoufou a de la pugnacité à revendre, il ne manque pas non plus d’ambition pour son pays. Lors de sa campagne, il s’est engagé à mobiliser quelque 6 000 milliards de F CFA (plus de 9 milliards d’euros) durant son quinquennat pour créer 250 000 emplois. Cette enveloppe devrait être consacrée à de grands projets structurants, mais aussi à l’éducation et à la santé. Ses priorités économiques ciblent l’agriculture par la mise en valeur de dizaines de milliers d’hectares le long du fleuve Niger pour éloigner le spectre de la famine qui plane sur la moitié de la population à la moindre crise alimentaire. Sur le plan de la sécurité des biens et des personnes, il estime que les salafistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et la criminalité transfrontalière constituent les principales menaces. Issoufou, comme le président malien Amadou Toumani Touré (ATT), préconise une solution militaire, doublée d’une politique de développement des zones sahéliennes. Et il est convaincu, à l’instar d’ATT, qu’une telle option est impossible sans coopération régionale. Avant même son investiture, prévue le 6 avril, Mahamadou Issoufou a déjà endossé ses nouveaux habits de chef de l’État.

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