Kadhafi vu par « Idi »
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 21 mars 2011 Lecture : 2 minutes.
N’Djamena, vendredi 18 mars. Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU vient de déclarer la guerre à la Libye, la capitale tchadienne s’éveille sous un soleil de plomb. Je loge au Libya Hôtel, propriété du holding libyen Laico. Sur un chantier voisin, où le même Laico construit des villas d’hôtes, des contremaîtres lèvent le poing à notre passage. Même scène devant l’annexe de l’Université arabe socialiste et populaire de Sebha, toute de vert drapée. Les Libyens du Tchad semblent prêts à suivre leur « Guide » jusque sous les décombres.
Et les près de six cent mille Tchadiens de Libye? C’est une autre histoire. À N’Djamena, où l’on dément l’existence d’une filière organisée de recrutement de mercenaires, on n’exclut pas que quelques centaines de ces immigrés puissent servir de soldats d’infortune au régime crépusculaire de Kadhafi: « Que voulez-vous qu’on y fasse… », soupire un proche du chef de l’État.
Idriss Déby Itno, justement, la Libye et son colonel, il connaît. Pour les avoir férocement combattus, il y a plus de vingt ans, entre Ennedi et Tibesti, et pour être devenu, depuis, l’ami de ce voisin aussi encombrant qu’envahissant. Depuis le début de la crise, ils se parlent presque quotidiennement au téléphone. Recevant J.A. dans un salon de la présidence, « Idi » se confie: « J’ai donné à Kadhafi ce conseil: si tu t’en sors, il te faudra tout changer. Doter ton pays d’une Constitution, autoriser les partis politiques, organiser des élections. » Déby Itno ne cache pas qu’il est hostile à l’intervention militaire pilotée depuis Paris, Londres et Washington, car l’insurrection venue de l’est est pour lui une rébellion armée: « Je n’ai rien à redire quant aux révolutions pacifiques en Tunisie et en Égypte. Mais là, ils ont pris les armes, et la déclaration d’Alger, en 2003, est claire: pas de prise de pouvoir par la force. Et puis, je sais de source absolument sûre qu’une partie des arsenaux pillés par les insurgés se retrouve aujourd’hui entre les mains d’Al-Qaïda au Maghreb islamique. Dont des missiles sol-air. »
Quelle que soit la validité de ce dernier argument, proche de la rhétorique Kadhafienne, une chose est sûre: en exprimant ses réserves vis-à-vis d’une opération punitive du Nord contre un pays du Sud, Idriss Déby Itno traduit l’opinion de bien de ses pairs du continent allergiques aux ingérences.
Au fait, le colonel lui a-t-il parlé de sa menace de « tout révéler », à propos d’un supposé financement de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007? Un clin d’oeil en guise de réponse. Que je me ferai expliquer plus tard: oui, Kadhafi lui en parlé, à lui comme à d’autres d’ailleurs. « Idi », qui est un sage et pour qui Sarkozy est aussi un « copain », lui déconseille fortement de s’engager sur ce terrain miné. Réponse du « Guide »: « J’ai promis de tout dire. Je dirai tout. » Nous, on attend… PS: À lire la semaine prochaine notre grande interviewdu président Idriss Déby Itno.
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