États-Unis : guerre budgétaire

Au Congrès américain et dans certains États du Midwest qu’ils contrôlent, les républicains extrémistes taillent à la serpe dans les dépenses publiques. À brève échéance, ils risquent de paralyser l’administration démocrate. Mais ils ont déjà réussi à sortir le mouvement syndical de sa torpeur !

Publié le 15 mars 2011 Lecture : 4 minutes.

Des gouverneurs aux dents longues, des parlementaires en fuite, le spectre d’une fermeture pure et simple du gouvernement fédéral… Tels sont les ingrédients de la guerre sans merci que se livrent républicains et démocrates. L’enjeu ? Le vote du budget 2011 des États-Unis et l’avenir des services publics dans ce pays. Sur fond de féroce affrontement idéologique.

Depuis le 1er octobre 2010, qui marque ici le début de l’année fiscale, le gouvernement fédéral n’a pas de budget. Il est financé par des facilités de paiement votées au coup par coup par les deux Chambres du Congrès : la Chambre des représentants, dominée par les républicains, et le Sénat, où les démocrates sont majoritaires. La dernière en date court jusqu’au 18 mars. Au-delà, si aucun accord n’est trouvé, le gouvernement devra fermer boutique, comme cela fut le cas, quelques jours durant, en 1995, quand Bill Clinton occupait la Maison Blanche. La pomme de discorde ? Une réduction de 61 milliards de dollars des dépenses publiques exigée par l’aile dure du Grand Old Party, alors que les démocrates ne sont prêts à concéder, au mieux, qu’une dizaine de milliards. « Pour le gouvernement fédéral, consentir à de telles coupes reviendrait à se tirer une balle dans le pied », résume Mark Udall, sénateur démocrate du Colorado.

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Sans parler du coup fatal porté au programme du président Obama pour la deuxième partie de son mandat : des investissements massifs dans l’éducation et les infrastructures afin de préparer l’Amérique à faire face à la compétition mondiale, et, selon son nouveau mot d’ordre, à « win the future ». Le tout dans le contexte budgétaire le plus difficile de l’après-guerre : chômage à 9 %, déficit équivalant à 11 % du PIB (un record), graves difficultés financières des États…

Pourquoi de telles exigences, alors que les républicains savent bien qu’elles sont inacceptables pour les démocrates ? À cause du fanatisme budgétaire de la majorité des 87 parlementaires républicains élus sous les couleurs du Tea Party lors des élections de la mi-mandat, en novembre 2010. Comme le dit l’un d’eux, Joe Walsh, le représentant de l’Illinois, « mes électeurs m’ont élu pour mener une guerre, pas pour passer des compromis ».

L’ennemi à abattre ? Le Big Government fédéral, cauchemar du Tea Party. Les coupes réclamées par les partisans de ce dernier ne sont évidemment pas choisies au hasard : démantèlement du planning familial, de la radio publique américaine, de l’agence de régulation environnementale… C’est du conservatisme pur et dur – et ça marche ! Mis sous pression par sa base, John Boehner, le leader républicain de la Chambre des représentants, a refusé tous les compromis que lui a proposés Joe Biden, envoyé au feu par Obama. Pour la première fois, ce dernier s’est même déclaré disposé à transiger sur une clause essentielle de la loi sur l’assurance maladie. Las, les républicains réclament son abrogation pure et simple.

De l’Indiana à l’Ohio

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Désormais, l’offensive ne se cantonne plus au Congrès et gagne le cœur de l’Amérique, ces États du Midwest qui sont le bastion du Tea Party. Tout a commencé lorsque Scott Walker, le jeune gouverneur du Wisconsin, a proposé une série de mesures destinées à rétablir l’équilibre budgétaire. L’une d’elles était explosive. Elle visait à priver les syndicats de fonctionnaires de leur pouvoir de négocier les conditions de travail des salariés et le statut de leurs adhérents. Une véritable déclaration de guerre.

La réplique ne s’est pas fait attendre : manifestations en série dans les rues de Madison, la capitale de l’État (70 000 personnes, le 6 mars, par un froid glacial), occupation pendant deux semaines du Capitole par des pompiers et enseignants en grève, afflux d’activistes venus des quatre coins du pays… Dans une Amérique que l’on croyait définitivement perdue pour le combat social, la capacité de mobilisation des syndicats a surpris. Depuis peu, la contestation fait tache d’huile dans l’Indiana et dans l’Ohio, les gouverneurs républicains de ces deux États ayant adopté des mesures similaires. Avec, dans l’Ohio, berceau du syndicalisme américain, cette véritable provocation que constitue l’interdiction du droit de grève.

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Parlementaires en fuite

Qui va l’emporter ? À ce jour, la contestation continue et les projets de lois sont, sauf dans l’Ohio, bloqués. Dans le Wisconsin et l’Indiana, ils le sont, paradoxalement, faute de parlementaires démocrates pour s’y opposer. Un quorum est en effet nécessaire pour la simple discussion d’une loi. Depuis un mois, les élus démocrates sont donc en fuite dans l’Illinois voisin, de crainte d’être arrêtés par la police de l’État et amenés de force dans l’hémicycle !

Ce mouvement social est le plus important depuis la grève des contrôleurs aériens brisée par Reagan en 1981. Il aura au moins eu le mérite de ressusciter les syndicats et de réveiller la base démocrate. À New York, fin février, des milliers d’Américains ont ainsi protesté contre le projet de démantèlement du planning familial. « Les républicains ont commis un péché d’orgueil législatif. C’est ce dont nous avions besoin pour, à notre tour, passer à l’attaque », se réjouit Steve Israel, parlementaire de New York et directeur du comité de campagne du Parti démocrate.

Selon un récent sondage, 60 % des Américains ont pris le parti des grévistes. Barack Obama est intervenu au début du conflit pour dénoncer les projets du gouverneur Walker, mais, depuis, se contente de compter les points. En laissant la bride sur le cou à sa frange la plus extrémiste, le Parti républicain fait un pari risqué. Il pourrait en payer le prix lors de la présidentielle de 2012.

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