Le patient maghrébin

MARWANE-BEN-YAHMED_2024

Publié le 14 mars 2011 Lecture : 2 minutes.

Ce numéro de Jeune Afrique (n°2618 en kiosques du 13 au 19 mars) consacre une très large place au vent du changement qui souffle sur le monde arabe en général et sur le Maghreb en particulier. Un vent qui ne faiblit pas, démontrant au passage, s’il en était encore besoin, que les Arabes – et les musulmans – ne sont pas « incompatibles » avec la démocratie. Au contraire, ils la réclament de toutes leurs forces, parfois avec l’énergie du désespoir, à tâtons au départ, puis de manière de plus en plus organisée, à travers un mouvement de révolte qui fédère la majorité de la population. Une quête globale de modernité qui s’appuie sur un constat jusqu’ici seulement esquissé: les mille et un symptômes du mal-être maghrébin – chômage, fracture sociale, libertés octroyées au compte-gouttes, injustice, corruption, jeunesse désabusée, dirigeants autoritaires – ne peuvent être soignés à coups de potions prétendument magiques ou de remèdes d’un autre âge. L’argent ne suffit pas, les despotes éclairés finissent toujours mal, les mesures cosmétiques et disparates censées remédier au malaise général ne sont que des traitements palliatifs qui peuvent soulager mais pas guérir. Seules panacées, donc, la démocratie et l’État de droit.

Au Maghreb, si les symptômes sont identiques, les réponses apportées par les pouvoirs diffèrent. Mohammed VI n’a pas attendu que la pression monte et a pris les devants, décrétant lui-même, à la surprise générale, la « révolution ». La promesse de changement qu’il a formulée est historique, le cap et le calendrier, clairement fixés.

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En Algérie, qui cultive décidément sa différence, rien de tel pour l’instant. Ni dans les coulisses d’El-Mouradia, la présidence, ni dans la rue. Depuis la guerre de libération, beaucoup de sang et de larmes ont coulé, et les Algériens semblent préférer le chemin balisé de l’évolution au sentier semé d’embûches de la révolution. Les premières mesures (emploi des jeunes, lutte anticorruption, levée de l’état d’urgence, ouverture des médias publics à l’opposition, etc.), positives, ne constituent pourtant qu’un premier pas, encore timide. Il en faudra beaucoup d’autres pour atteindre l’objectif – la démocratie pleine et entière – vers lequel la Tunisie, elle, s’est résolument engagée. Ce n’est sans doute pas le fait du seul hasard si les trois dirigeants « dégagés » ou en passe de l’être sont les moins démocrates et les plus anciens au pouvoir: quarante et un ans pour Kadhafi, vingt-neuf pour Moubarak et vingt-trois pour Ben Ali. Il en va tout autrement de Mohammed VI et d’Abdelaziz Bouteflika, qui ont pris les rênes de leurs pays la même année, en 1999. Ces deux hommes, que tout oppose, ont aussi une carte majeure à jouer, vitale pour toute la région: profiter de cet élan irrépressible pour surmonter enfin leurs différends et transformer ce mirage d’union du Maghreb en réalité. Le printemps arabe unit les peuples. Pourquoi pas leurs dirigeants?

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