Photographie : l’Égypte auscultée
Censurée sous le régime de Moubarak, l’ancienne assistante de Youssef Chahine, Nermine Hammam, présente à Paris ses travaux consacrés à son pays. De la plage à l’asile psychiatrique.
Au premier regard, on capte le travail sur la couleur et la matière. On trouve les images belles, douces, avec un côté suranné, presque hors du temps. Et puis, lorsque l’on s’en approche, le sujet, âpre et violent, saute aux yeux. Nermine Hammam a passé plusieurs mois dans un asile psychiatrique du Caire et y a capté des instants suspendus entre solitude et désespoir. Le résultat : la série Metanoia (« repentance », en grec).
« Les gens que j’ai photographiés ont une vision différente de la réalité, mais c’est leur réalité. J’ai voulu montrer qu’ils n’étaient pas si étrangers à notre monde », explique la photographe. Pour se faire accepter, Nermine Hammam a passé un mois sans sortir son appareil. « Je n’ai pas pris les photos, ce sont eux qui me les ont données », détaille l’ancienne assistante du cinéaste Youssef Chahine. Elle a apprivoisé ses futurs sujets, jusqu’à rentrer dans leur intimité, et donc leur histoire. Souvent tragique : « De nombreux internés ne sont pas fous, mais enfermés de force par leur famille pour telle ou telle raison. » Comme cette femme âgée, qui porte une robe blanche de mariée : « Quarante ans qu’elle est internée. Car elle a couché avant le mariage. »
Humour et analyse sociale
Nermine Hammam avait prévu de revenir régulièrement pendant un an, mais sa démarche dérange et, au bout de quatre mois, les autorités la mettent à la porte. Son travail est censuré. « Lorsqu’elle m’a dit ça, j’ai voulu l’exposer tout de suite ! J’ai un côté militant, pour l’art et pour les femmes… », affirme avec malice la fondatrice de If Galerie, Imane Farès, une femme d’affaires d’origine libanaise née à Dakar. Elle a ouvert cet espace consacré à l’art contemporain d’Afrique et du Moyen-Orient, à Paris, en mai 2010.
En plus de Metanoia, elle a choisi d’exposer deux autres séries de la photographe égyptienne de 43 ans, designer graphique passée par le cinéma : celle consacrée à la plage égyptienne, qui mêle humour et analyse sociologique (on y perçoit clairement la montée de l’islamisme) ; et son dernier travail, qui a des références plus picturales, des photos prises à Fayoum qui ont un côté surréaliste à la Dali. Des thèmes et des techniques différentes, comme autant de facettes d’une personnalité plurielle. Nermine Hammam résume : « Je crois qu’on se photographie soi-même. »
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« Anachrony », exposition personnelle de Nermine Hammam, If Galerie, 41 rue Mazarine, 75006 Paris, jusqu’au 2 avril 2011.
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