RDC : Novacel vend de l’air à Danone

Comment faire fructifier une exploitation agricole au XXIe siècle ? Olivier Mushiete a trouvé la solution : céder aux multinationales des crédits carbone. Explications.

Olivier Mushiete (à dr.) a planté 4 200 ha d’acacias sur le plateau Batéké. © Unep DR Congo/YouTube

Olivier Mushiete (à dr.) a planté 4 200 ha d’acacias sur le plateau Batéké. © Unep DR Congo/YouTube

Publié le 18 mars 2011 Lecture : 2 minutes.

C’est l’histoire d’un homme qui vend de l’air, entre 3 et 5 euros la tonne. Le 18 février, le géant de l’agroalimentaire Danone a signé avec Olivier Mushiete, directeur général de Novacel, un contrat portant sur l’achat de 350 000 tonnes de crédits carbone, pour 1,6 million d’euros.

Olivier Mushiete, qui ne quitte jamais son chapeau orné d’une plume, symbole de son pouvoir coutumier, règne sur un territoire de 22 000 ha, Ibi Village, hérité de son père, Paul, un ancien ministre. Dans les années 1980, celui-ci crée Novacel sur ses terres du plateau Batéké et élève du bétail sur l’immense savane, aux portes de Kinshasa. L’affaire péri­clite après sa mort, en 1999. Olivier, ingénieur agronome, décide de faire revivre cette terre à l’abandon en misant sur l’agroforesterie. Nous sommes à l’aube du XXIe siècle, et la planète s’inquiète sérieusement des gaz à effet de serre. On commence à évoquer le principe du pollueur-payeur et celui qui en découle : l’achat de « droits à polluer », les crédits carbone (lire encadré).

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Avec son frère Thierry et sa sœur Pascale, actionnaires de la société, Olivier va transformer, à partir de 2005, le plateau Batéké en puits de carbone, le premier en Afrique. Pour ce faire, il plante 4 200 ha d’acacias, des arbres à croissance rapide. Le principe est simple : l’arbre, en poussant, absorbe et stocke du gaz carbonique (CO2). En appa­rence, il suffit donc d’avoir un terrain et de planter des arbres. Dans la réalité, c’est bien plus compliqué. La démarche d’homologation du puits de carbone de Novacel a demandé des années de travail et 1,5 million d’euros d’investissement, notamment pour financer les expertises et préparer les opérations de certification. Le 17 février, le projet a été officiellement validé par la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Résultat : en 2017, le puits d’Ibi Batéké aura capté 1 million de tonnes de CO2… déjà vendues. La moitié au BioCarbon Fund (Banque mondiale), l’autre à la société Orbeo (fondée par la Société générale et le chimiste français Rhodia), spécialisée en courtage de crédits carbone. Novacel attend 3 millions d’euros de cette vente, avec des premiers versements en 2011.

« Un modèle à reproduire »

En 2010, plus de la moitié des 500 000 t achetées par Orbeo ont été reprises par Danone. Pour en savoir plus sur ce CO2 stocké au centre de l’Afrique, le groupe a dépêché sur place deux de ses vice-­présidents, Pierre-André Terisse, directeur financier, et Bernard Giraud, en charge du développement durable. Convaincus par le travail d’Olivier Mushiete, ils financeront la plantation de 2 400 ha d’acacias supplémentaires.

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« Contrairement à la Banque mondiale ou à Orbeo, nous préfinançons Novacel, qui a besoin de soutien pour poursuivre ses investissements, notamment dans de nouvelles plantations », explique Bernard Giraud. Danone a choisi de soutenir Novacel « parce que le projet correspond exactement à ce que nous voulons promouvoir : une action à haute valeur ajoutée environnementale et sociale », explique-t-il. Danone voit même en Ibi Village un « modèle à reproduire », en RDC ou ailleurs.

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