Hydrocarbures : rendez-vous des majors à Pointe-Noire
Les activités pétrolières attirent des groupes du monde entier. Elles génèrent des milliers d’emplois locaux, directs et indirects, et près de 80 % des recettes de l’État congolais. Une manne dont la ville aimerait profiter davantage.
Congo : Pointe-Noire, vigueurs océanes
Depuis quarante ans, le nom de Pointe-Noire est associé à celui des plus grandes majors pétrolières, dont les activités d’exploration et d’extraction se concentrent au large et sur les terres de la cité océane. Les revenus de cette filière représentent près des deux tiers du produit intérieur brut (PIB), 93 % des exportations et 76 % du budget de l’État congolais. En 2011, elles devraient lui rapporter plus de 2 000 milliards de F CFA (plus de 3 milliards d’euros).
Le pétrole du pays est exploité depuis les années 1970, pour une très large part offshore. La production a atteint une moyenne de 88 millions de barils par an de 2000 à 2006. L’année 2007 a marqué un léger recul (avec 82 millions de barils), à la suite d’un accident sur le champ offshore de Nkossa, qui a entraîné une suspension des activités pendant plusieurs semaines, et de la baisse de rendement du gisement onshore de M’Boundi. Mais, depuis, la production a repris sa phase ascendante, pour dépasser 114,5 millions de barils (soit plus de 313 000 barils/jour) en 2010, soit un peu moins que la Guinée équatoriale, mais plus que ses voisins gabonais et camerounais.
Parmi les compagnies privées étrangères basées à Pointe-Noire, le premier opérateur est le français Total, via sa filiale Total Exploration & Production en République du Congo (Total E&P Congo), qui, à elle seule, assure environ 60 % de la production du pays, avec 160 000 b/j en 2009, sur neuf champs.
Toujours plus profond
Depuis 2008, le groupe a lancé l’exploitation, en haute mer, du site en offshore profond de Moho-Bilondo (dont les réserves estimées sont de 230 millions de barils), qui a nécessité un investissement d’environ 1 000 milliards de F CFA pour une production de 90 000 b/j actuellement.
De nombreuses autres filiales de majors sont présentes à Pointe-Noire, parmi lesquelles celles de l’italien ENI (ENI-Congo), du français Maurel & Prom, du franco-britannique Perenco (Congorep), du britannique Esso (Esso Exploration & Production Congo Ltd), des américains Chevron (Chevron Overseas Congo Ltd) et Murphy (Murphy West Africa Ltd), sans oublier la compagnie d’État, la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), qui a rejoint le rang des sociétés pétrolières opératrices en août 2010. Premier groupe du pays, la SNPC contribue à hauteur de 70 % au budget de l’État. Les activités d’exploration et d’exploitation, dont les permis sont délivrés par les autorités congolaises, sont menées dans le cadre de partenariats entre ces principaux opérateurs. C’est le cas, par exemple, du permis Mer très profonde Sud (MTPS), qui couvre plus de 5 000 km2 en haute mer (à quelque 180 km au sud-ouest de Pointe-Noire) et est opéré par Total E&P Congo (40 %), ENI-Congo (30 %) et Esso Exploration and Production Congo Ltd (30 %).
Incontestablement, les activités pétrolières profitent à Pointe-Noire. D’abord parce qu’elles mobilisent une main-d’œuvre importante. Au dernier recensement, fin septembre 2009, le secteur employait 2 200 personnes (dont 70 % de locaux et 30 % d’expatriés) et générait plus de 900 emplois dans les activités parapétrolières. Et sur l’ensemble de cette année 2009, le montant total des salaires versés par les pétroliers s’élevait à 6,5 milliards de F CFA. Cependant, plus de la moitié des personnes recrutées localement le sont à titre temporaire, la plupart des groupes recourant aux services de sociétés d’intérim et de sous-traitance.
Sur le plan financier, les recettes de cette industrie ne reviennent pas directement à la ville. Pour les différents projets, les opérateurs sont liés par des contrats de partage de production avec l’État congolais, qui reçoit entre 20 et 25 % de la production brute d’hydrocarbures du pays, que commercialise la SNPC. La manne ainsi obtenue est redistribuée, selon leurs besoins, aux collectivités locales. Or, nombreux sont les Ponténégrins, parmi lesquels leur député-maire, Roland Bouiti-Viaudo, à estimer que les équipements de la ville – rues défoncées, problèmes d’assainissement, d’eau, d’électricité, etc. – ne sont pas à la hauteur des richesses générées par ses activités.
De leur côté, les principaux acteurs de la filière se sont investis dans le financement de grands projets, au niveau local ou national, comme la Centrale électrique du Congo à Côte-Matève, construite par ENI-Congo. Les entreprises pétrolières participent aussi au développement social et culturel local, à travers de nombreux petits projets : construction et équipement d’établissements de santé, d’enseignement et de formation, financement de structures culturelles (comme l’espace « Les Pétroliers »).
Un déclin imminent ?
Peut-on imaginer Pointe-Noire sans son pétrole ? La question mérite d’être posée. De l’avis de quelques observateurs, la production congolaise est déjà entrée dans sa phase déclinante. « Il faut reconnaître que la plupart des principaux gisements découverts depuis vingt à trente ans arrivent à maturité. Ils connaissent ainsi une baisse de production », admet Georges Cassien Mabona, directeur général de Maurel & Prom Congo. D’autres spécialistes parlent d’un délai d’un quart de siècle. Une chose est sûre : aller chercher l’or noir de plus en plus loin en mer, et de plus en plus profond, demande des technologies nouvelles, une expertise plus poussée et des investissements sans cesse plus lourds. Cependant, au large de Pointe-Noire, le potentiel de découverte reste élevé et les opérateurs ne sont pas prêts à jeter l’éponge.
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