Infrastructures : le port de Pointe-Noire se réarme
Après deux décennies moroses, la zone portuaire se réorganise. Son ambition : devenir la première plateforme de transbordement d’Afrique centrale. Peut-elle faire le poids face à ses concurrents ?
Congo : Pointe-Noire, vigueurs océanes
C’est l’âme de la ville. C’est aussi la deuxième entreprise du pays après la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) et, pour l’instant, le plus profond des ports en eau profonde du golfe de Guinée – il peut accueillir des navires ayant un tirant d’eau de 13,2 m. Le Port autonome de Pointe-Noire (PAPN) joue un rôle clé dans le transit, sa vocation première, et dessert en transbordement les ports de Luanda, Lobito et Soyo (Angola), de Banana, Boma et Matadi (RD Congo), Owendo (Gabon), Douala (Cameroun), Walvis Bay (Namibie) et Lagos (Nigeria).
Pour le trafic de marchandises dans le golfe de Guinée, il est en concurrence directe avec ses homologues de la sous-région – Matadi, Luanda et Douala –, auxquels s’ajoutent, pour le transbordement, les grands ports ouest-africains de Dakar (Sénégal), Abidjan (Côte d’Ivoire), Lomé (Togo) et Cotonou (Bénin).
Centre nerveux du PAPN : son nouveau terminal à conteneurs, baptisé Congo Terminal et concédé en décembre 2008 à un groupement composé de Bolloré Africa Logistics (BAL), Socotrans, Samariti et Translo. Des navires aussi hauts que des immeubles mouillent au large et, ici, les conteneurs succèdent aux conteneurs. Leur alignement, parfait, trace de petites rues où les dockers s’activent.
Partenariat public-privé
C’est là que se joue l’avenir du port et que 374 milliards de F CFA (environ 570 millions d’euros) seront investis d’ici à 2036, dont 327,5 milliards par BAL et ses partenaires. Objectif : faire de Pointe-Noire la première plateforme de transbordement de l’Afrique centrale et la porte d’entrée du bassin du Congo.
Déjà, d’immenses grues aux mâchoires d’acier roulent et happent sans répit des conteneurs pour les déposer sur le quai. Très bientôt, la cadence moyenne sera de 25 conteneurs à l’heure au lieu de 8 en 2009. Dès 2015, le terminal pourra en traiter 647 000 par an, et plus de 1 million à terme. Il disposera en 2036 de 38 ha de terre-pleins (contre 17 ha actuellement) et de 1 500 m de quai, dont 800 m capables d’accueillir des navires à fort tirant d’eau (15 m).
Dans le prolongement de cette nouvelle infrastructure, la gare de fret a démarré ses activités en janvier. Une foule de dockers s’y organise, des hommes et quelques femmes, vêtus pour la plupart d’une combinaison et d’un casque. Recrutés le matin même par un bureau de placement situé à l’extérieur du port, ils sont payés 5 000 F CFA (7,6 euros) la journée de travail, qu’ils passent à vider les conteneurs et remplir les camions. Plus loin, un quai doté de 12 ha de terre-pleins est consacré au bois en grumes ou transformé, dont le port a exporté près de 2 millions de tonnes en 2010. Encore plus loin, au port pétrolier, fixes, comme figées, les installations des différentes compagnies.
Après de sérieuses difficultés dans les années 1990 et 2000, le PAPN semble avoir trouvé un nouveau souffle. Pour son directeur général, Jean-Marie Aniélé, cette « renaissance » tient à trois facteurs conjugués. D’abord, le choix d’une réelle autonomie, avec une présence minimale des pouvoirs publics au conseil d’administration de l’entreprise. Ensuite, la confiance des bailleurs de fonds. Enfin, la stratégie de partenariat public-privé. « L’État n’a pas les moyens de réaliser certains gros investissements, explique Jean-Marie Aniélé, c’est pourquoi le recours aux acteurs privés est fondamental. Il ne pouvait pas investir 500 millions d’euros dans ce projet comme le fait Bolloré – ce qui est une chance pour nous, car cela débouche sur un véritable saut technologique. »
"Au service de la sous-région"
Les techniques intégrées au développement de Congo Terminal, ainsi que le futur guichet unique maritime (Gumar), qui permettra de simplifier les formalités administratives et de réduire le délai de passage des marchandises, rendront le port de Pointe-Noire beaucoup plus compétitif en matière de coûts de transport, de traçabilité des conteneurs, de rapidité dans la manutention… L’objectif est d’offrir la même qualité de service que les ports européens, américains ou asiatiques, notamment en termes d’intermodalité. En espérant que la route vers Brazzaville, actuellement en construction, et le Chemin de fer Congo-Océan jouent bien leur rôle d’appui.
Pour son directeur général, la mission du port est claire : « se mettre au service de la sous-région ». Ce qui correspond à la volonté des dirigeants des pays membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac).
D’ores et déjà, l’activité augmente. En 2009, le volume total de trafic du PAPN a représenté près de 19,7 millions de tonnes (en progression de 19,55 % par rapport à 2008), et son chiffre d’affaires (CA) a atteint 29,3 milliards de F CFA. Pour les sept premiers mois de l’exercice 2010, le CA s’élevait déjà à 17,2 milliards de F CFA et le trafic global dépassait les 11 millions de tonnes, en hausse de plus de 9 % par rapport à la même période en 2009.
À titre de comparaison, le volume de trafic enregistré au Port commercial de Luanda est deux fois moins important. Mais ce dernier, depuis qu’il a lancé son programme de modernisation en 2008, a déjà réduit le temps d’attente en rade de quatre-vingts jours à dix jours. De quoi attiser la crainte du PAPN de voir les armateurs choisir son concurrent angolais comme plateforme de prédilection pour le transbordement.
L’autre défi est de parvenir à tirer son épingle du jeu au-delà du golfe de Guinée, face aux grands ports ouest-africains, comme celui d’Abidjan. Ce dernier, qui enregistrait un volume global de trafic de quelque 24 millions de tonnes en 2009, doit s’équiper d’un terminal à conteneurs – également confié au groupe Bolloré – doté de 3 000 m de quai et qui pourra accueillir des bateaux de 14 m de tirant d’eau.
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