Pointe-Noire : un souffle nouveau pour l’économie
De grands projets industriels se concrétisent, et le tissu de PME se densifie. De quoi permettre à la cité océane de diversifier ses activités et d’espérer résorber son fort taux de chômage.
Congo : Pointe-Noire, vigueurs océanes
Les bonnes perspectives dans le domaine des hydrocarbures et les travaux d’extension et de modernisation du terminal à conteneurs aidant, les secteurs pétrolier et portuaire et ceux qui leur sont liés (sous-traitance et maintenance industrielle, transit, logistique, transport…) connaissent un regain de dynamisme. Cependant, si ces domaines d’activité ont un impact majeur sur les finances locales et nationales, une grande part des postes à responsabilités reste – bien que la tendance évolue – attribuée aux cadres étrangers, et, surtout, les emplois temporaires y sont légion, notamment dans les métiers les moins qualifiés.
Pour développer durablement son économie et tenter de résorber le chômage qui la mine (31,5 %, un taux proche de celui de Brazzaville, contre 5,8 % en milieu rural, selon le Centre national de la statistique et des études économiques), la cité océane doit donc engager une réelle diversification. Laquelle, depuis quelques mois, semble enfin se concrétiser.
Premier bénéficiaire de la croissance urbaine accélérée et du rebond général, le secteur du BTP est stimulé par l’explosion de la demande en bâtiments industriels, bureaux, infrastructures tertiaires (équipements, hôtels…) et, surtout, en logements. Dans son sillage naissent des sociétés de courtage spécialisées en location ou vente, et des agences de promotion immobilière.
L’hôtellerie et la restauration profitent également de ce mouvement, la ville étant dotée de plusieurs établissements, tels l’Atlantic Palace ou le Victory Palace, susceptibles d’accueillir des congrès ou des festivals. Quant aux professionnels du tourisme de loisirs, ils continuent d’élargir leur éventail de prestations dans le domaine des sports (pêche, planche, surf, golf…) et de l’écotourisme, notamment avec les randonnées dans le Parc national de Conkouati Douli.
Poids lourds à l’horizon
Dans le secteur primaire, l’agriculture et la pêche restent les parents pauvres de Pointe-Noire. Malgré quelques projets privés lancés récemment dans le maraîchage, l’exploitation de palmiers à huile ou la pisciculture, dont celui de BPH Agricole, les initiatives et leurs résultats restent limités. En revanche, la filière bois, secouée par la crise mondiale en 2008 et 2009, tire désormais son épingle du jeu. L’usine d’Eucalyptus Fibre Congo (EFC, contrôlée par MagForestry, filiale du canadien MagIndustries), achevée en 2008 (pour un montant d’environ 26,5 millions d’euros) dans le port de Pointe-Noire, a plus que doublé sa production de copeaux de bois sec, qui est passée de 162 300 tonnes en 2008 à près de 388 000 t en 2009.
Autre projet industriel de poids pour la ville : l’implantation d’une usine de transformation d’aluminium par le grec Isakos Soft, un leader mondial du secteur. Opérationnelle en 2013, l’unité disposera, dans un premier temps, d’une capacité de production de 4 000 t et devrait générer au moins 200 emplois directs.
Par ailleurs, « la prospection minière engagée dans le Kouilou et les départements voisins amène de plus en plus d’opérateurs du secteur à s’implanter à Pointe-Noire », souligne Évelyne Tchichelle, secrétaire générale de la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers (CCIAM) de la ville. Ainsi, l’usine de potasse du gisement de Mengo, dans le Kouilou, à 25 km de l’agglomération, sera opérationnelle dès 2012, avec une production estimée – à pleine capacité – à 1,2 million de tonnes par an. Partenariat entre la China National Complete Plant Import & Export Co. (qui en détient 50,1 %), MagMinerals Potasses Congo (filiale de MagIndustries, 39,9 %) et l’État (10 %), cet investissement de 500 milliards de F CFA (soit 762 millions d’euros) devrait hisser le Congo au rang de premier producteur africain de potasse.
Le développement du gisement de fer de Zanaga, situé à 300 km au nord-est de la ville, dans le département de la Lékoumou, aura également d’importantes retombées. Les investisseurs, le suisse Xstrata et la société Zanaga Iron Ore Company (enregistrée aux îles Vierges britanniques), qui opèrent via leur filiale Mining Project Development (MPD-Congo), s’apprêtent à engager la construction d’une voie ferrée pour transporter le minerai (45 millions de tonnes par an) au port de Pointe-Noire à partir de 2016.
Des infrastructures enfin mises à niveau
Alors que les entreprises et la population souffrent déjà des délestages récurrents, ces projets vont engendrer une forte hausse de la demande en énergie… Pour résoudre le problème, le pétrolier italien ENI achève la construction de la Centrale électrique du Congo à Côte-Matève (au sud de Pointe-Noire) – un investissement de 340 millions d’euros – et de lignes à très haute tension. Propriété de l’État (à 80 %) et d’ENI-Congo (à 20 %), la centrale à gaz, alimentée par les champs offshore, fournit déjà 100 MWh : de quoi couvrir les besoins actuels (80 MWh selon le maire, Roland Bouiti-Viaudo), en attendant que sa production passe à 150 MWh fin 2011 et à 300 MWh en 2013.
Côté transport, les choses bougent aussi. Avec la chute du trafic ferroviaire liée à la détérioration des infrastructures du Chemin de fer Congo-Océan et en l’absence d’une route bitumée la reliant à Brazzaville, Pointe-Noire n’est facile d’accès que par avion. Ce qui est problématique pour les passagers et plus encore pour le fret. Aussi la nouvelle route nationale entre les deux plus grandes villes du pays est-elle très attendue. Son premier tronçon, reliant Pointe-Noire à Dolisie – le plus ardu à construire en raison de la traversée du massif forestier du Mayombe –, sera opérationnel en novembre. Lancé officiellement fin octobre 2007, ce chantier de 186 km est exécuté par la China State Construction and Equipment Corporation pour 172,45 milliards de F CFA.
Dans le secteur des technologies de l’information, indispensables aux entreprises, « la demande s’est élargie à de nouveaux services, comme la télésurveillance », précise Julien Heuzé, le directeur commercial d’Ofis, leader sur son marché. Le vrai coup d’accélérateur viendra avec la réception et la mise en service commercial, prévue courant juin, de la station d’atterrage de Pointe-Noire, située à Matombi, qui va permettre de relier le pays à la fibre optique dans le cadre du projet régional West Africa Cable System (WACS). Cependant, la gestion du réseau n’est pas encore organisée, et sa mise en place technique va prendre du temps.
Enfin, l’implantation d’une zone économique spéciale près du port se précise. Au cœur des discussions menées par le ministre congolais chargé des Zones économiques spéciales, Alain Akouala Atipault, lors du forum d’affaires Afrique-Singapour, en juillet 2010, le projet a fait l’objet, début février, d’un accord de financement entre l’État et la Banque mondiale.
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