Pointe-Noire, une ville ouverte
La Punta Negra portugaise devenue Pointe-Noire est témoin d’une tradition politique, économique et culturelle du Congo. Une histoire et une position géographique qui en font une ville ouverte.
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 18 mars 2011 Lecture : 2 minutes.
Congo : Pointe-Noire, vigueurs océanes
C’est un autre Congo que celui-ci. Un Congo océanique, tourné vers les vents du large, cosmopolite et portuaire, indolent et industrieux, très loin de l’âpreté politique de Brazzaville. La Punta Negra des Portugais que les descendants du royaume de Loango cédèrent à la France par traité en 1883 aurait pu devenir la capitale du Congo indépendant, après avoir été celle de la colonie du Moyen-Congo. Capitale, elle le fut d’ailleurs brièvement : c’est un Ponténégrin, Jean-Félix Tchicaya, qui fut, en 1945, le premier député congolais élu au Parlement français ; c’est à Pointe-Noire, en novembre 1958, que fut proclamée la République autonome du Congo au sein de l’éphémère Communauté ; et c’est à Pointe-Noire que siégea, tout aussi brièvement, l’Assemblée nationale, avant que le pouvoir, qui avait alors l’allure virevoltante de la soutane d’un abbé-président, n’établisse ses quartiers à Brazza-la-cruelle.
Pointe-Noire est donc passée à côté d’un destin politique et, tout compte fait, s’en est plutôt bien portée. Certes, après les années fastes du boom pétrolier, du début des années 1970 au milieu des années 1980, la crise financière et, surtout, l’instabilité qui saisit le Congo pendant une décennie et demie, eurent sur le poumon économique du pays l’effet d’une embolie. Coupée de son débouché brazzavillois pour cause de paralysie du chemin de fer, accessible uniquement par avion, Pointe-Noire, pour survivre, dut développer des réflexes autarciques et compter plus que jamais sur son port pour se ravitailler. Mais, à tout le moins, cette création coloniale insouciante, qui avait connu son lot de violences urbaines à la fin des années 1950, échappa-t-elle au pire : la guerre civile de 1997, avec son cortège de destructions et de traumatismes irréparables.
Bercée dans une sérénité un peu décadente, la terre tolérante du peuple vili, traditionnellement ouverte aux contacts avec le monde extérieur, vit s’épanouir une génération d’écrivains réputés – Tchicaya U Tam’si, Jean-Baptiste Tati Loutard, Marie-Léontine Tsibinda – et de politiciens madrés qu’il est impossible de tous citer : Stéphane Tchichellé, Alfred Raoul, Louis Sylvain-Goma, Jean-Pierre Thystère Tchicaya…
Depuis le début du nouveau millénaire, Pointe-Noire est sortie de son sommeil pour devenir une vraie ville de transit, active, diurne et nocturne, opulente et impitoyable, où les nouveaux riches croisent les pauvres venus de toutes les régions de l’intérieur, en quête d’un eldorado de sueur et de pétro-CFA. Les natifs du Kouilou, les vieilles familles implantées ici depuis des lustres ne voient pas toujours d’un bon œil l’arrivée de ces « étrangers » venus profiter d’une prospérité encore toute relative. Mais il faudra bien s’y faire. Avant cinq ans, la route nationale aura atteint Brazzaville, désenclavant à la fois cette dernière et Pointe-Noire, bouleversant les habitudes et les particularismes. Le Congo, enfin, marchera sur ses deux jambes.
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