Les travaux d’Hercule d’Alain Juppé
Alain Juppé devra s’efforcer de tisser des liens avec les régimes qui ont succédé aux dictatures du monde arabe et de faire oublier les relations passées avec les despotes déchus. Il lui faudra incarner le professionnalisme d’une diplomatie largement discréditée.
Le geste était prémonitoire. Le 7 juillet 2010, Alain Juppé et Hubert Védrine, deux anciens ministres des Affaires étrangères, cosignaient une tribune dans le quotidien Le Monde. « Cessez d’affaiblir le Quai d’Orsay ! » : son titre en donnait la substance. Désormais, il tient lieu de feuille de route au successeur de Michèle Alliot-Marie.
Depuis, la maladie diagnostiquée par le docteur Juppé – « l’outil est sur le point d’être cassé », écrivait-il – s’est aggravée. La chute de Ben Ali puis celle de Moubarak ont rendu patente la perte d’influence de la « grande puissance » française dans le monde. Les vacances tunisiennes de MAM à la veille de la révolution et les malheurs de Boris Boillon, le nouvel ambassadeur de France à Tunis, ont achevé de la discréditer. Boucs émissaires faciles de l’aveuglement collectif, les diplomates n’ont pas le moral.
En creux, cette énumération – non exhaustive – des maux dont souffre le Quai d’Orsay expose le programme d’Alain Juppé. Le maire de Bordeaux devra s’efforcer de tisser des liens avec les régimes qui ont succédé aux dictatures du monde arabe et de faire oublier les relations passées avec les despotes déchus. Il lui faudra incarner le professionnalisme d’une institution largement discréditée – aux yeux des peuples comme à ceux de ses partenaires. Redonner confiance au corps diplomatique et, pour cela, convaincre Nicolas Sarkozy de l’importance de son rôle, alors que le chef de l’État n’a que trop tendance à laisser le champ libre aux réseaux parallèles.
Le contexte économique ne lui est pas favorable. Juppé devra inscrire son action dans le cadre d’une « révision générale des politiques publiques » qu’il qualifiait d’« aveugle » dans la tribune cosignée avec Védrine. Cette politique se traduit par des contractions budgétaires et des réductions d’effectifs, alors que certains partenaires de la France, États-Unis, Grande-Bretagne ou Brésil, « ne détruisent pas leur outil diplomatique ». En outre, le climat préélectoral fait craindre une instrumentalisation des affaires étrangères au profit de la politique intérieure. Sarkozy n’a-t-il pas justifié le remaniement du 27 février par les bouleversements dans le monde arabe, une manière d’occulter les manquements des responsables politiques ?
Le départ de Claude Guéant, qui avait la main haute sur les dossiers sensibles, est, en revanche, une chance que ses prédécesseurs n’ont pas eue. Et puis, contrairement à d’autres, Alain Juppé, alors ministre de la Défense, a eu le flair ou le bon goût de passer Noël auprès des troupes françaises en Afghanistan, puis en famille à Hossegor, sur la côte landaise.
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