Quand le robinet libyen ne coulera plus…

Les projets du groupe de télécommunications libyen Green Network pourraient bien être compromis par la situation politique en Libye. Et s’aggraver si Mouammar Kadhafi venait à quitter le pouvoir.

L’opérateur est présent dans cinq pays subsahariens. © Vincent Fournier/J.A.

L’opérateur est présent dans cinq pays subsahariens. © Vincent Fournier/J.A.

Publié le 16 mars 2011 Lecture : 2 minutes.

Kaddafi : l’Afrique entre peur et soulagement
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Green Network ne répond pas. Son patron Abdulbaset Elazzabi a coupé son portable. À Niamey, Abidjan ou Kampala, le bras armé du clan Kadhafi dans les télécoms, qui promettait de « fournir des communications à bas prix sur le continent », joue la carte de la discrétion en ces temps incertains, plombé par la fin de règne à Tripoli de la Grande Jamahiriya.

Une retenue qui tranche avec la volonté de communiquer qu’il affichait ces derniers mois encore. « Notre plan de développement consiste à créer un réseau de l’océan Indien à l’océan Atlantique », déclarait Abdulbaset Elazzabi à Jeune Afrique en octobre 2010. Avec l’objectif d’être présent dans 15 pays africains en 2015, contre 12 actuellement.

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Créé en 2007, Green Network a ainsi des participations en Ouganda (Uganda Telecom), en Côte d’Ivoire (GreenN), au Soudan (Gemtel), au Rwanda (Rwandatel), au Tchad (Sotel, depuis novembre 2010)… Ni totalement industrielle ni visiblement spéculative, sa stratégie ressemble davantage à un projet politique qu’à une démarche à but lucratif. En 2010, le groupe a racheté Zamtel pour 184 millions d’euros. Un chèque bien trop important pour s’offrir 172 200 abonnés zambiens.

Projets compromis

Depuis 2007, Green Network a investi 722 millions d’euros pour un bilan plutôt maigre : 5 millions d’abonnés au téléphone mobile, 500 000 pour le fixe et 300 000 pour internet. Petit joueur à l’échelle africaine, il n’a pourtant pas froid aux yeux. Abdulbaset Elazzabi envisageait ainsi d’introduire 30 % du capital de Green Network à la Bourse de Londres en 2013. Un projet compromis. Comme, d’ailleurs, l’arrivée du groupe libyen en Gambie, au Bénin, en Sierra Leone et au Togo en 2011.

« Que va-t-il se passer ? » C’est également la question posée la semaine dernière par les autorités du Niger à la Mission de coopération libyenne à Niamey, inquiètes du règlement des 43 millions d’euros promis pour le rachat de Sonitel et de SahelCom, le 21 janvier dernier.

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Une inquiétude légitime. Green Network est l’une des filiales les plus en vue du Libya Africa Investment Portfolio (LAP), lui-même rattaché à la Libyan Investment Authority, le douzième fonds souverain du monde en termes d’actifs, et dont le Rwanda est la tête de pont en Afrique, avec des investissements dans l’immobilier, les télécoms, le tourisme… Fondé en 2006, bourré de pétrodollars, le LAP reflète, à travers une multitude de participations, l’activisme du pouvoir libyen sur le continent, grâce à une force de frappe de 8 milliards de dollars (5,8 milliards d’euros). Vecteur des largesses du dirigeant libyen dans plus d’une quarantaine de pays africains, le LAP est présent dans l’hôtellerie, la banque, le raffinage du brut et la distribution d’essence, l’agriculture, l’immobilier, le transport aérien, les mines et bien sûr les télécoms.

Opacité

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En fait, c’est une constellation hétéroclite et opaque de filiales aux intérêts souvent croisés. Et sans grande cohérence. Entre une « ferme » de 100 000 ha au Mali, une usine de caoutchouc au Liberia, une soixantaine de villas de grand standing au Bénin, le sauvetage de la Société nationale des tabacs et allumettes du Mali, etc., la liste des participations est sans fin.

Un semblant de cohésion existe dans la finance avec la Banque commerciale du Sahel, la Banque commerciale du Burkina et la Banque sahélo-saharienne pour l’investissement et le commerce au Burkina. Dans tout ce bric-à-brac, la Kadhafi African Tower de 60 étages, prévue pour 2012 à la pointe du cap Manuel, à Dakar, semble désormais condamnée, parmi d’autres projets du « Guide », à rester dans les cartons.

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