L’Afrique entre peur et soulagement

Financement de rébellions, recrutement de mercenaires, déstabilisations politiques et racisme en Libye… Le bilan africain du « Guide » est détestable. S’il savait se montrer généreux, il inspirait surtout de la crainte. Une époque bientôt révolue, à la secrète satisfaction de la plupart des dirigeants subsahariens.

Sommet de la Cedeao à Ouagadougou, en janvier 2008. © AFP

Sommet de la Cedeao à Ouagadougou, en janvier 2008. © AFP

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Publié le 8 mars 2011 Lecture : 2 minutes.

Kaddafi : l’Afrique entre peur et soulagement
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Kaddafi : l’Afrique entre peur et soulagement

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Le dernier carré des défenseurs de Mouammar ­Kadhafi sera-t-il constitué de supplétifs africains, queue de comète d’une légion islamique muée en Waffen-SS d’un régime aux abois ? Cette possibilité ne serait après tout que l’ultime avatar de ce qu’ont toujours représenté aux yeux du dictateur de Tripoli ses frères subsahariens : des « idiots utiles », comme disait Lénine. Tour à tour agents de déstabilisation à l’époque des « États-Unis du Sahel », opposants rétribués entraînés au terrorisme dans les camps du Mathaba, travailleurs immigrés traités comme du bétail et privés de leurs passeports, mercenaires crépusculaires lynchés dans les rues de Benghazi, les Africains n’ont jamais été respectés que dans les discours du « Guide ».

Devenu panafricaniste par dépit, après l’échec de ses tentatives répétées d’unité arabe, Kadhafi a développé un tropisme tout d’abord sahélien, puis continental, en usant de la déstabilisation et de l’expansionnisme, puis de la corruption financière. Un type de rapport de maître à client qui ne laisse aucune place à la fraternité, à la solidarité et autres billevesées colportées par le Livre vert. Il suffisait pour s’en convaincre d’entendre avec quel mépris les collaborateurs du colonel chargés des « affaires africaines » parlaient en privé de leurs obligés. Ou d’observer, non sans effarement, les pantalonnades du « roi des rois », dont la vision d’une Afrique des tribus rappelait irrésistiblement les pires clichés des expositions coloniales.

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Le problème aujourd’hui, c’est que, en rejetant leur dictateur, les révoltés libyens rejettent avec lui une Afrique assimilée à la fois aux lubies dispendieuses d’une révolution dévoyée et à la source fantasmée de bien des maux qui les touchent. Déjà à l’œuvre, en guise de dérivatif, au cœur des pogroms de 1995, 1996 et 2000, le racisme anti-Noirs frappe désormais de plein fouet une communauté suspecte au regard des insurgés. Ne nous y trompons pas : quand un migrant guinéen de Tobrouk est tabassé à mort au petit matin parce que la foule l’a pris pour un mercenaire, le vrai responsable de son malheur s’appelle Mouammar Kadhafi.

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