Fespaco, pas comme d’habitude

Le Fespaco a permis de faire le point sur l’état du cinéma africain. © AFP

Le Fespaco a permis de faire le point sur l’état du cinéma africain. © AFP

Renaud de Rochebrune

Publié le 15 mars 2011 Lecture : 3 minutes.

Que serait le festival de Cannes sans la Croisette ? La Mostra de Venise sans le Lido ? Une brouille entre les organisateurs du Fespaco et la nouvelle direction de l’hôtel Indépendance de Ouagadougou, passé depuis quelques années dans le giron de la chaîne Azalaï, a privé la célèbre biennale de son centre névralgique.

Quelques irréductibles, comme les réalisateurs Mahamat-Saleh Haroun ou Souleymane Cissé, ont décidé de continuer à se loger dans ce lieu mythique, qui servait depuis quatre décennies de QG aux cinéastes et aux professionnels présents au festival. Et quelques réunions y sont encore organisées. Mais fini le temps où les festivaliers faisaient et refaisaient jusqu’à pas d’heure la planète africaine du septième art autour de la piscine.

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Plus triste encore : la chambre n° 1, occupée lors de tous les Fespaco par le « doyen » Sembène Ousmane, et qui devait rester au moins durant chaque festival un petit musée à sa gloire, est vite redevenue, après un hommage organisé par les autorités sénégalaises, qui l’avaient louée pour quarante-huit heures, une pièce parmi d’autres, attribuable à n’importe quel touriste de passage.

L’ambiance chaleureuse a aussi été un peu assombrie, cette année, par une actualité omniprésente – les turbulences dans le monde arabe, la situation en Côte d’Ivoire. Mais le programme a permis de faire le point sur l’état du cinéma africain. L’occasion, hélas, de vérifier que la crise que traverse depuis une dizaine d’années la production de fictions dignes de ce nom et le démantèlement du circuit des salles sur le continent ne sont pas sans effet.

Humour décapant

À côté de quelques films d’envergure internationale déjà consacrés dans d’autres manifestations – Un homme qui crie, du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, Sheherazade, de l’Égyptien Yousry Nasrallah, ou La Mosquée, du Marocain Daoud Aoulad-Syad –, on a vu gparmi les prétendants à l’Étalon de Yennenga plusieurs longs-métrages décevants. À commencer par Un pas en avant, une charge contre la corruption débordant de bons sentiments.

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Peu de découvertes, aussi, même si plusieurs comédies comme Le Mec idéal, de l’Ivoirien Owell Brown (qui montre avec un humour décapant comment une jeune femme moderne et esseulée rencontre l’homme de sa vie), ou La Place, de l’Algérien Dahmane Ouzid (la crise du logement à Alger racontée sous forme de comédie musicale), ont ravi à juste titre le public.

Plusieurs cinéastes ont tout de même prouvé qu’ils manquaient peut-être de moyens, mais pas d’ambition. On peut citer la tentative courageuse du Burkinabè Missa Hébié d’adapter En attendant le vote des bêtes sauvages, d’Ahmadou Kourouma. Ou celle du Marocain Mohamed Mouftakir, mêlant hardiment fantastique, drame psychologique et suspense pour proposer avec Pégase un long-métrage inégal mais peu banal, avec des images fortes et des interprètes habités par leur rôle.

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Le constat est plus rassurant du côté des documentaires, où l’on voit des talents s’affirmer. Comme l’Égyptienne Iman Kamel, avec Beit Sha’ar : une femme émancipée retourne dans sa tribu de Bédouins du Sinaï ; le Béninois Idrissou Mora-Kpai avec Indochine : un métis afro-asiatique part au Vietnam, caméra au poing, sur les traces de sa mère et de son père, soldat dans l’armée coloniale ; ou le Sud-Africain Suleman Ramadan – révélé il y a sept ans par Zulu Love Letter – avec Zwelidumile, un portrait du peintre et sculpteur Dumile, militant de l’ANC exilé aux États-Unis à l’époque de l’apartheid.

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