Imbroglio guinéen pour Geocoton

La société, propriété depuis 2008 du groupe Advens, traîne derrière elle une vieille querelle avec un entrepreneur local. Dernier épisode en date : la saisie des titres de participation dans sa filiale sénégalaise.

Publié le 3 mars 2011 Lecture : 3 minutes.

Branle-bas de combat à la direction de Geocoton, la première entreprise cotonnière de l’espace francophone. Pour un très vieux différend juridique, le groupe, filiale d’Advens, du Franco-Sénégalais Abbas Jaber, s’est fait saisir, le 17 février, ses titres de participation dans sa filiale sénégalaise, la Sodefitex. Envoyé d’urgence à Dakar, Yannick Morillon, le nouveau directeur général, a fait déposer une requête au tribunal civil pour faire arrêter cette procédure. Depuis sa prise de fonctions, en janvier, il tente de dénouer les fils d’une affaire complexe qui oppose son groupe à un entrepreneur guinéen. « Nous sommes victimes d’une escroquerie », estime-t-il.

Tout commence en avril 1985. Fraîchement nommé, le ministre guinéen du Développement agricole, Alhousseiny Fofana, signe un contrat avec la Compagnie française pour le développement des fibres textiles (CFDT, aujourd’hui rebaptisée Geocoton) pour introduire la culture du coton en Haute-Guinée. Financée par des bailleurs de fonds européens, la CFDT organise alors le monde paysan, installe des usines d’égrenage et fournit de l’assistance technique… Dans ce cadre, elle passe un petit marché avec l’Entreprise générale des solutions relaissées (Egesor), de Cheick Mohamed Kaba, qui fournit de la main-d’œuvre pour la construction de 65 entrepôts de stockage­ (coton, intrants…). Le contrat s’élève à 27,8 millions de francs guinéens (22 283 euros). Un peu plus de 25 millions seront versés, le solde de 2,8 millions (2 228 euros) faisant l’objet d’une retenue de garantie. Selon la CFDT, les travaux n’ont pas été entièrement et correctement exécutés.

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Ce que conteste vigoureusement Kaba. Il va alors porter l’affaire devant le Tribunal de première instance de Conakry, qui condamne, le 30 novembre 1995, la société – qui n’a pas pu se défendre, n’ayant pas été assignée – à lui verser pas moins de 1,2 milliard de francs guinéens de dommages et intérêts (943 000 euros) ! L’État guinéen, véritable maître d’ouvrage des travaux, intervient alors dans la procédure en faisant appel et gagne, avant que la Cour suprême ne casse cette décision en 2003.

Étonnamment, Kaba ne cherchera pas à faire exécuter son jugement. A-t-il eu peur de s’attaquer à l’État français, actionnaire majoritaire de la société ? Ce n’est qu’après la privatisation de l’ex-CFDT, en janvier 2008, qu’il reprend la procédure. Il obtient finalement, en 2010, le droit de faire exécuter le jugement initial en France et au Sénégal. Pour un litige initial de 2 228 euros, il réclame aujourd’hui 4,9 millions d’euros de dommages et intérêts et de frais de recouvrement, soit près de 2 200 fois plus.

Médiatiser l’affaire

Sur le front guinéen, Geocoton a attaqué Kaba au pénal pour escroquerie, et son actionnaire Advens a initié une procédure civile en dénonçant le mode aberrant d’établissement des dommages et intérêts. « Nous avons aussi alerté le ministère français de la Coopération, l’ambassade de France à Conakry et transmis un message au nouveau président, Alpha Condé », précise Yannick Morillon. Pour l’avocat de Kaba, Me Mohamed Houssein Mounir, Geocoton ne cherche qu’à médiatiser l’affaire en interpellant l’exécutif guinéen pour faire pression sur la justice.

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En attendant, les cultivateurs de Haute-Guinée ne produisent guère plus de 500 à 1 000 tonnes de coton par an contre 40 000 t en 1998. En janvier, plusieurs cadres agricoles de la région de Kankan ont adressé une lettre ouverte au nouveau chef de l’État, plaidant pour une redynamisation des activités. « Les premiers semis de coton débutent à la fin mai. Il faut cependant organiser d’abord des états généraux de la filière, recenser les intentions des paysans, commander les intrants et assurer l’encadrement », souligne le collectif de cadres. La justice guinéenne doit se prononcer à nouveau cette semaine. Affaire à suivre…

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