Hassan Mouti, le prince du cliff diving
Plonger d’une falaise de 27 mètres, impensable ? Ce jeune Franco-Marocain le fait. C’est du cliff diving et il occupe la cinquième place mondiale de cette discipline.
Il est des sauts périlleux… plus périlleux que d’autres. La plupart du temps, les saltos se réalisent sur les praticables de gymnastique ou affublé d’une paire de patins à glace. Pour corser l’affaire, on peut tenter la prouesse sur une poutre de 10 cm de large à un mètre du sol. Et ajouter une vrille ou deux. Mais on peut aussi s’élancer d’une falaise de 27 m pour briser, à près de 100 km/h, une eau aux apparences tranquilles mais qui, sous l’effet de la vitesse, se transforme en véritable mur de béton.
Deux secondes de chute, frisson garanti. Le cœur s’emballe, les muscles se contractent, le corps plane un instant, puis la pointe des pieds se redresse automatiquement au contact – plutôt brutal ! – de l’eau. Il faut alors s’enfoncer droit comme un I dans le trou que vos pieds ont creusé afin d’éviter toute pression verticale sur un bout de membre qui dépasserait. Vous avez laissé traîner votre bassin et vos fesses vers l’arrière ? « C’est le coccyx ou le sacrum cassé à tous les coups, assure le plongeur Hassan Mouti. Ça nous est tous arrivé ! » Imaginez les frayeurs vécues par la mère de ce jeune homme à l’allure svelte et au sourire charmeur.
Sport de l’extrême, le cliff diving tire son origine d’une tradition hawaïenne. Au XVIIIe siècle, les rois de Maui testaient la bravoure de leurs guerriers, qui devaient réaliser les plus beaux lele kawa (que l’on peut traduire par « sauts pieds en avant depuis une falaise sans faire d’éclaboussures »). Depuis, cette épreuve s’est popularisée. Et les premiers championnats du monde ont été organisés à Brontallo, en Suisse, en 1997.
Pour autant, ce sport demeure confidentiel. « Nous sommes assez peu à le pratiquer », confie Hassan Mouti. Seuls douze plongeurs sont sélectionnés chaque année. « Du coup, malgré la compétition et les rivalités, nous formons une petite famille. C’est tellement dangereux qu’on ne peut pas espérer que nos concurrents ne réussissent pas leur figure », affirme le champion franco-marocain, qui ne concourt que sous le passeport français, « parce que c’est plus facile pour voyager ».
Né à Strasbourg en 1980 de parents marocains, Hassan Mouti a découvert ce sport en 2003 alors qu’il était champion de France de plongeon à 10 m. « Je plonge depuis mon enfance, raconte-t-il. Quand j’avais 10 ans, mon père nous a emmenés, mes sœurs et moi, à la piscine. Mais la natation ou le water-polo ne m’intéressaient pas trop. » Enfant casse-cou et turbulent, Hassan préfère le plongeon, davantage acrobatique, qui nécessite un entraînement de gymnastique. Un bon moyen de canaliser son énergie.
Chez les Mouti, le sport est une discipline de vie. Le père, mécanicien marocain venu en Alsace trouver du travail à une époque où la France avait besoin de main-d’œuvre, court deux à trois fois par semaine. « Ma mère n’était pas du tout sportive, mais elle a fini par suivre mon père, raconte Hassan Mouti. Mes sœurs ont aussi fait du plongeon. » Pourtant, pas question de faire passer le sport avant le reste. « Il fallait que l’école suive. Quand j’ai décidé d’arrêter la fac parce que les études m’ennuyaient, mes parents ont été très inquiets. Mais heureusement, l’université de Colmar proposait aux sportifs de haut niveau un DUT adapté : quelques heures de cours le matin et entraînement l’après-midi. Ça m’a permis de préparer mes compétitions et de décrocher un diplôme », poursuit Mouti. Pour arrondir ses fins de mois, l’étudiant se déniche un job d’été original. Quand d’autres font du baby-sitting ou livrent des pizzas, lui plonge depuis 25 m pour émerveiller les visiteurs des parcs d’attractions.
Le jeune homme apprend à repousser ses limites : « Chaque saut est un défi que l’on s’impose. » Et à dompter un corps qu’il faut sans cesse écouter : « À cette hauteur, la peur est omniprésente, confesse-t-il. Elle est nécessaire : elle permet de se concentrer et de prendre conscience du danger. À l’entraînement, il m’est arrivé de renoncer à sauter. Quand c’est comme ça, il ne faut pas forcer, sinon c’est la blessure assurée. Mais en compétition, c’est différent. L’enjeu est tel que l’adrénaline surpasse la peur. » En 2003, un ami le coopte pour qu’il participe à sa première compétition à 25 m, à Acapulco. « C’était difficile, se souvient-il. Nous nous élancions de la falaise et non depuis une plateforme. C’est plus compliqué, les appuis ne sont pas les mêmes. Et surtout, il fallait se caler sur la houle, attendre le bon moment pour s’élancer et arriver dans l’eau en même temps que la vague, sinon la profondeur n’était pas suffisante. »
La prestation de Hassan Mouti est remarquée. Depuis, le plongeur enchaîne les compétitions. En 2010, il est arrivé cinquième au classement mondial. Étalées sur une année, les épreuves du championnat du monde se déroulent aux quatre coins du monde (Chili, Mexique, Grèce, Italie, États-Unis, Ukraine…). « Il n’y a jamais eu d’épreuve en Afrique, mais je rêverais de faire une démonstration de cliff diving au Maroc, avoue Hassan Mouti. Enfant, j’y allais chaque été avec mes parents pour rendre visite à ma famille, à Rabat et à Sefrou, près de Fès. J’y suis resté très attaché. »
Le cliff diving séduit de plus en plus de spectateurs. Jusqu’à 50 000 personnes à La Rochelle (France) en 2010. De quoi attirer peu à peu les sponsors. Une marque de boisson énergisante finance et organise le championnat depuis 2009. Et Hassan Mouti a réussi à en convaincre d’autres de le soutenir ; pas suffisamment toutefois pour le nourrir. Mais les représentations qu’il donne notamment chaque été à Europa Park, un parc d’attractions en Allemagne, lui permettent de profiter du statut d’intermittent du spectacle et de s’entraîner régulièrement à 25 m.
Hassan Mouti, les pieds sur terre, sait qu’il ne pourra pas pratiquer le cliff diving toute sa vie. « Tout peut s’arrêter du jour au lendemain. Pour le moment, je me concentre sur la saison 2011, qui débutera le 12 mars à Rapa Nui, au Chili. J’espère pouvoir faire un podium et finir quatrième au classement général. Et je profite au maximum, car je sais que ça ne durera pas éternellement. » Une idée de reconversion plus posée ? « Oui, je suis assez tenté par le base jump [du parachutisme depuis des falaises, NDLR] ou du wingsuit [du parachutisme… sans parachute, mais avec une combinaison en forme d’aile]. » C’est effectivement plus tranquille… On vous l’a dit, Hassan Mouti garde les pieds sur terre !
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