Algérie : il était une fois l’état d’urgence

Comme il s’y était engagé, la veille, en Conseil des ministres, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a, le 23 février, signé un décret abrogeant l’état d’urgence en vigueur depuis le… 9 février 1992. À l’époque, la mesure avait été présentée comme très provisoire. Elle a donc duré près de vingt ans.

Le décret d’abrogation a été signé le 23 février par Abdelaziz Bouteflika. © Fayez Nureldine/AFP

Le décret d’abrogation a été signé le 23 février par Abdelaziz Bouteflika. © Fayez Nureldine/AFP

Publié le 3 mars 2011 Lecture : 2 minutes.

Instauré par feu le président Mohamed Boudiaf au nom de la lutte antiterroriste, l’état d’urgence a servi de cadre législatif à l’intrusion de l’armée dans les opérations de maintien de l’ordre. Il a en outre légalisé la mise en détention hors de tout cadre judiciaire, les prisons secrètes, l’internement administratif (le wali pouvait emprisonner tout citoyen censé menacer l’ordre public), ou encore la perquisition au domicile d’un suspect, de jour comme de nuit, en l’absence de tout mandat ou réquisition du parquet.

Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et autres phalanges salafistes continuant de prospérer dans le massif du Djurdjura et les dunes sablonneuses de l’Erg occidental (près des frontières avec le Mali et la Mauritanie), la levée de l’état d’urgence s’accompagnera d’une batterie de mesures coercitives. D’abord, un projet d’ordonnance permettant à l’armée de participer à « des missions de sauvegarde de l’ordre public hors situation d’exception ». Ensuite, un décret présidentiel confiant à l’état-major la charge de conduire et de coordonner la lutte antiterroriste. Les modalités d’exécution de cette disposition devront faire l’objet d’un arrêté ministériel conjoint entre le ministère de la Défense et celui de l’Intérieur.

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Par ailleurs, il va falloir adapter le code de procédure pénale aux exigences de la lutte antiterroriste. Et notamment instaurer une nouvelle catégorie de détenus. Selon les termes du communiqué du Conseil des ministres, certains inculpés, « en raison des informations qu’ils détiennent et qui sont de nature à aider la justice à approfondir ses investigations et à prévenir des actes terroristes », devraient être placés dans des « résidences protégées » choisies par le juge d’instruction. La mise en œuvre de cette disposition devra être entourée de toutes les garanties prévues par la Constitution et les instruments internationaux ratifiés par l’Algérie. Ainsi, l’inculpé en résidence protégée pourra consulter son avocat et recevoir des visites, mais aussi disposer d’une voie de recours contre cette procédure.

Vieille revendication

Mesure exceptionnelle, le placement en résidence protégée est limité à une période de quatre-vingt-dix jours, renouvelable deux fois par le magistrat instructeur. Deux détenus célèbres, Hassan Hattab, fondateur du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, ancêtre d’Aqmi), et Amara Saïfi, alias Abderrezak el-Para, ancien émir du Sahel, devraient en bénéficier. Le premier est incarcéré depuis 2007 ; le second depuis 2004. Ni l’un ni l’autre n’ont jamais été remis aux autorités judiciaires par leurs geôliers militaires. Les affaires les concernant étaient automatiquement renvoyées par les juges, s’abritant derrière les dispositions de l’état d’urgence. Ce ne sera désormais plus le cas.

La levée de l’état d’urgence était une vieille revendication d’une partie de la classe politique, notamment les islamistes du Mouvement de la société pour la paix (MSP, membre de l’Alliance présidentielle), et de la société civile. Elle a également été bien accueillie à l’étranger. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont été les premiers à s’en féliciter. Pour eux, cette réforme va dans la bonne direction : la démocratisation de la vie publique.

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