Au secours, Calamity Jane revient !

Colistière de John McCain en 2008, Sarah Palin est aujourd’hui l’icône des ultraconservateurs. Et le cauchemar des dirigeants républicains, tant ses chances de victoire face à Obama en 2012 paraissent faibles.

La madone du Tea Party, en décembre 2009. © Reuters

La madone du Tea Party, en décembre 2009. © Reuters

Publié le 24 février 2011 Lecture : 5 minutes.

Sarah Palin sera-t-elle candidate aux primaires républicaines ? Cette perspective donne des sueurs froides aux responsables du parti. Si elle était désignée pour affronter Barack Obama lors de la présidentielle de 2012, ce serait le scénario catastrophe tant les chances de victoire de l’ex-colistière de John McCain en 2008 – aujourd’hui égérie du Tea Party – paraissent minces.

Pour le Grand Old Party, Palin, qui n’a plus de mandat depuis qu’elle a démissionné, en 2009, de son poste de gouverneure de l’Alaska, c’est un peu Calamity Jane. De tous les présiden­tiables potentiels – ils sont une dizaine –, c’est elle qui recueille dans les sondages le plus d’opinions défavorables, les mieux placés étant, à ce jour, Mitt Romney, un ancien gouverneur du Massachusetts, et, surtout, Mike Huckabee, qui fut gouverneur de l’Arkansas jusqu’en 2007.

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Son personnage de « Mama Grizzly », comme elle s’est elle-même surnommée – elle joue à la rude Américaine de l’Ouest, bigote, chauvine et en guerre ouverte contre les intellectuels efféminés de la côte Est –, fascine sa base conservatrice, mais révulse le reste du pays. Il est trop marqué à droite pour séduire les électeurs indépendants, qui, aux États-Unis comme ailleurs, font souvent gagner une élection. Surtout, Sarah Palin accumule les faux pas.

Le dernier en date s’est produit au mois de janvier, après la tuerie de ­Tucson. Palin a été accusée d’avoir, par ses outrances, contribué à la détérioration du climat politique et, indirectement, d’avoir incité l’assassin, un déséquilibré nommé Jared Loughner, à passer à l’acte. Un exemple ? Une carte des circonscriptions clés pour les élections de la mi-mandat a été publiée sur son site internet. Les candidats démocrates y étant représentés par des cibles à abattre. Parmi elles, Gabrielle Giffords, la représentante de l’Arizona, qui, de fait, a reçu une balle en pleine tête.

Faire-valoir idéal

Palin a répliqué à ces attaques – certes, un peu excessives – de manière virulente. Mais sans vraiment convaincre. Selon un sondage du Washington Post, seuls 30 % des Américains ont approuvé sa réaction à la tragédie de Tucson. Contre 78 % pour Obama. Éditorialiste au New York Times, Matt Bai en vient même à penser que, pour le président sortant, elle constituerait en 2012 le faire-valoir idéal.

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Pourtant, aucun homme ou femme politique – à l’exception, bien sûr, d’Obama – n’a connu une ascension aussi météorique que cette native de l’Idaho originaire d’un milieu modeste, qui, en 2006, devint la plus jeune gouverneure de l’Alaska – elle avait 42 ans. Deux ans plus tard, elle faisait une entrée fracassante sur la scène nationale, en étant, à la surprise générale, désignée comme candidate à la vice-présidence…

Dans un premier temps, son physique avantageux (c’est une ancienne reine de beauté), son profil de mère courage (elle a cinq enfants, dont un trisomique) et sa posture anti-establishment ont captivé l’imaginaire américain. Las, ses bourdes à répétition (« je m’y connais en politique étrangère, je vois la Russie depuis mon jardin ») et ses dissensions avec McCain ont fini par plomber la campagne républicaine. Incompétente, imprévisible et définitivement fâchée avec la langue anglaise (elle a tweeté le mot « refudiate », qui n’existe pas), Palin ne manque pourtant pas d’atouts pour remporter les primaires. Et c’est bien ce qui inquiète.

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Dans les médias, elle est omniprésente. Cela lui permet de s’incruster dans les foyers américains et, accessoirement, d’amasser une petite fortune (13 millions de dollars en 2010). Recrutée comme éditorialiste en 2008, elle intervient chaque semaine sur Fox News. On sait que la chaîne du multimilliardaire australo-américain Rupert Murdoch est le principal relais des thèses du Tea Party à travers le pays… Sur le câble, elle vient de participer à un reality show sur mesure, « L’Alaska de Sarah Palin », où ses fans ont pu l’admirer en train de chasser le caribou ou de descendre une rivière en kayak. Huit épisodes ont été diffusés. Coût à l’unité : 1 million de dollars, dont 250 000 dollars dans la poche de l’héroïne.

Enfin, Mrs Palin est l’auteure de deux best-sellers, dont le dernier, L’Amérique au cœur : réflexions sur la foi, la famille et le drapeau, lui a permis de soigner son profil de pasionaria conservatrice au cours d’une longue, longue tournée de promotion. Et lorsqu’elle n’occupe pas le devant de la scène, c’est sa fille aînée qui s’y colle : mère célibataire à 18 ans, la prénommée Bristol a été finaliste d’un très populaire radio crochet…

Mais ne nous y trompons pas : Sarah Palin est une vraie bête politique, dotée d’un instinct très sûr pour capter les frustrations des Américains. Depuis son virage ultraconservateur de 2008, elle surfe allègrement sur la vague populiste qui déferle sur le pays. Elle est aujourd’hui l’icône absolue du Tea Party, le grand vainqueur des midterm. En novembre, une centaine de candidats se sont ouvertement réclamés d’elle. Et la plupart ont été élus. Parmi eux, Susana Martinez, la nouvelle gouverneure du Nouveau-Mexique, qui pourrait être précieuse pour rallier le vote latino en 2012. On peut en outre imaginer que les partisans de Palin ne seront pas les derniers à se déplacer pour voter lors des primaires…

2,5 millions d’amis

Bref, si elle n’est pas l’opposante la plus crédible, Sarah Palin est, de loin, la plus bruyante. Nul besoin de discours ni de tribunes, il lui suffit de comptes Twitter et Facebook (2,5 millions d’amis). La Palin addiction d’une partie des médias fait le reste. Ses tweets sur la politique étrangère d’Obama (« faible avec les ennemis de l’Amérique, dure avec ses alliés ») ou sur le budget démocrate, qui laisse filer une dette « aussi élevée que le mont McKinley » (le plus haut sommet d’Amérique du Nord, en Alaska), sont largement repris.

Pressée de questions sur ses intentions pour 2012, elle élude. Le 10 février, à Washington, elle s’est abstenue de prendre la parole lors de la conférence des jeunes conservateurs du Parti républicain, sorte d’étape obligée pour tout candidat aux primaires (mais Huckabee était lui aussi absent). Quelques jours auparavant, en Californie, elle s’était exprimée lors d’un dîner destiné à commémorer le centième anniversaire de la naissance de Ronald Reagan, mais uniquement pour fustiger Obama et son « big government » qui mènent le pays « à la ruine ». Elle n’a rien dévoilé de ses intentions électorales.

Dans les coulisses du Parti républicain, en attendant l’émergence d’un leader d’envergure, un « tout sauf Palin » est en train de se mettre en place. C’est Barbara Bush, mère de « GW » et gardienne du temple républicain, qui a planté la première banderille : « Palin se trouve très bien en Alaska ? J’espère qu’elle y restera. » D’autres ont suivi, mais Calamity Jane n’en a cure. Pour l’instant, c’est elle qui a la main. Elle continue de jouer la base contre l’establishment, et les médias contre les jeux d’appareil.

Si elle choisit finalement de se présenter, « la Maison Blanche pourra sabler le champagne et les leaders républicains n’auront plus que leurs yeux pour pleurer », commente un observateur. Les primaires ne débuteront qu’en janvier 2012. Pour le Grand Old Party, l’attente va être longue.

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