CNDC : alliance contre-nature

À trop vouloir rassembler par-delà les clivages, la Coordination nationale pour le changement démocratique (CNDC) s’est empêtrée dans ses contradictions.

Manifestation du 12 février 2011, à Alger. © AFP

Manifestation du 12 février 2011, à Alger. © AFP

Publié le 21 février 2011 Lecture : 3 minutes.

Surfant sur la vague révolutionnaire tunisienne, laquelle a fini par atteindre les bords du Nil, des partis politiques et des organisations de la société civile ont créé, le 21 janvier, sous le parrainage de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), une Coordination nationale pour le changement démocratique (CNCD), avec pour objectif d’abattre le système en place.

Première action d’envergure : une marche pacifique à Alger, prévue le 12 février, sur un itinéraire de près de 5 km. Non autorisée par le gouvernement, contenue à son point de départ (place de la Concorde, ex-Champ-de-Manœuvres) par un imposant dispositif policier, elle s’est transformée en un rassemblement. Si pour les organisateurs la manifestation a été un succès (2 500 marcheurs selon la CNCD, dix fois moins selon la police), elle a plutôt été perçue par l’opinion comme un échec, notamment pour le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, de Saïd Sadi), principale formation politique de la Coordination. 

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Faible mobilisation

Certes, l’échec de la marche peut être mis sur le compte de la forte mobilisation des forces de l’ordre, mais pas seulement. « Si l’initiative avait réellement été portée par la population, aucun dispositif policier n’aurait pu l’empêcher », a déclaré Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT, d’obédience trotskiste et première force de l’opposition). Deux raisons peuvent expliquer la faible mobilisation. La première est liée à la composition de la Coordination, la seconde, au flou entourant ses revendications.

La CNCD apparaît comme un attelage improbable entre laïcs du RCD, islamistes d’Ennahda et militants de formations politiques virtuelles, comme le Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD, non agréé) ou encore le Parti socialiste des travailleurs (PST, de Chawki Salhi), certes agréé, mais qui ne dispose d’aucun élu national ou local. Côté société civile, outre la LADDH, présidée par Mustapha Bouchachi, mais toujours pilotée par Ali Yahia Abdennour, 90 ans, ancien ministre et ex-avocat du Front islamique du salut (FIS), on retrouve l’Association des victimes d’octobre 1988 (AVO), SOS Libertés – créé à l’initiative d’Arezki Aït Larbi, correspondant du Figaro –, SOS Disparus de Nacéra Dutour, ou encore le Comité national pour la liberté de la presse (CNLP).

Contradiction inévitable

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De ce curieux alliage sont nés des slogans contradictoires scandés lors de la même marche. Aux « Algérie libre et démocratique ! » répondaient ainsi des « Dawla islamiya » (« un État islamique »). Venu participer à la manifestation en compagnie d’une vingtaine de compagnons, Ali Benhadj, ancien vice-président du FIS, chantre de l’insurrection armée, ne désespère pas de retrouver l’influence qu’il avait au début des années 1990. Salafistes et laïcs unis dans le même combat ? La démarche de la CNCD se voulant rassembleuse, ce genre de contradiction était inévitable.

Autre raison de l’échec de la marche du 12 février : le flou entourant la plateforme de revendications. Au départ, l’objectif principal de la manifestation était la levée de l’état d’urgence, en vigueur depuis 1992 à cause justement de l’appel à la désobéissance lancé par le FIS d’Ali Benhadj. Or, le 3 février, une dizaine de jours après la constitution de la CNCD, le président ­Abdelaziz Bouteflika, sans doute échaudé par l’actualité tunisienne et égyptienne, a annoncé la levée de l’état d’urgence. Prise de court, et euphorie révolutionnaire aidant, la CNCD a changé de slogan pour adopter un « Bouteflika, dégage ! » Mais « Boutef » n’est ni Ben Ali ni Moubarak. L’aspiration au changement, aussi importante en Algérie qu’ailleurs dans le monde arabe, vise un système mis en place dès l’indépendance, et non le seul chef de l’État, qui est loin de susciter la même aversion que nombre de ses pairs.

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