De la nécessité d’un front populaire tunisien

Historien, ancien doyen de la faculté des sciences humaines et sociales de Tunis.

Publié le 25 février 2011 Lecture : 2 minutes.

Avant toute chose, il faut rappeler ceci : les objectifs de la révolution populaire en Tunisie sont fondés sur la démocratie et la justice sociale, et donc sur l’établissement d’un nouveau régime à même de garantir les droits, la liberté et la dignité des citoyens. Cela implique la protection du pays contre l’arbitraire, les abus, les passe-droits et la corruption, c’est-à-dire toutes les tares de l’ancien régime dont l’abolition constitue une condition sine qua non pour un véritable développement économique et social.

De là la nécessité, pour répondre aux aspirations et sacrifices du peuple tunisien, de constituer un front populaire groupant les composantes de l’opposition démocratique et de la société civile autour de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), qui vient, par sa participation active à la révolution, d’acquérir une nouvelle légitimité. D’autant plus que cette centrale syndicale constitue une force sociale à même de fournir à l’opposition progressiste une base populaire indispensable pour mener les élections, les contrôler et les gagner.

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D’aucuns, notamment dans les milieux proches du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, l’ex-parti au pouvoir), prétendent que l’UGTT est une centrale syndicale dont le rôle doit se limiter à la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs. Or la place de cette organisation fondée en 1946 ne se limite pas au domaine social, puisqu’elle a participé activement, dès la fin des années 1940 aux côtés du Néo-Destour, tant à la lutte de libération nationale qu’à l’édification de l’État tunisien.

Son leader Farhat Hached devint même, après l’interdiction du parti destourien et l’arrestation de Habib Bourguiba et de ses compagnons, le véritable chef du mouvement national, et fut pour cela assassiné en 1952 par la milice de la Main rouge agissant de connivence avec les autorités coloniales.

L’UGTT constitua même, avec les autres organisations, un front national autour du Néo-Destour pour mener les élections de l’Assemblée constituante le 25 mars 1956, et le premier gouvernement constitué par Habib Bourguiba au lendemain de l’indépendance comportait quatre membres appartenant à cette centrale syndicale.

Forte de cette légitimité, l’UGTT peut donc constituer le fer de lance d’un front populaire qui doit se présenter aux futures élections avec un projet de société traduisant les aspirations populaires, et qui soit au niveau des sacrifices consentis par le peuple. Et pour plus de garanties, la prochaine Assemblée doit être, à l’instar de celle de 1956, une Assemblée constituante dont le rôle consiste à élaborer une Constitution fondée sur un équilibre entre les pouvoirs. Ce qui implique la limitation de ceux du président de la République et l’institution d’un gouvernement responsable devant le Parlement, c’est-à-dire devant les représentants du peuple qui peuvent non seulement le contrôler mais aussi le démettre s’il viole la Constitution ou s’écarte des règles de la bonne gouvernance.

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C’est de cette façon que l’on pourra réaliser les objectifs de la révolution, c’est-à-dire l’institution d’un nouveau régime fondé sur la démocratie et la justice sociale, et donc à même de garantir les droits, la liberté, la dignité des citoyens et de promouvoir un véritable développement économique et social du pays.

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