Cameroun : petit peuple, grand péril

Entre chantiers lucratifs et protection de la nature, les impératifs économiques l’ont emporté au Cameroun. Les Pygmées en sont les premières victimes.

Un pygmée abat un arbre, à Kika, en juin 2010. © AFP

Un pygmée abat un arbre, à Kika, en juin 2010. © AFP

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 24 février 2011 Lecture : 2 minutes.

Comment va le Cameroun ?
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C’est un cri d’alarme que lance Samuel Nguiffo, secrétaire général de l’ONG Centre pour l’environnement et le développement (CED), née il y a quinze ans pour protéger la forêt camerounaise. « Ça sert à quoi, une loi sur la forêt, si la loi sur les mines dit le contraire et permet de raser les arbres en zone protégée pour exploiter le cobalt, le nickel, les diamants, le fer, la bauxite ? soupire-t-il. L’arbitrage se fera en faveur de ce qui rapporte le plus, et notre forêt ne vaut, dans le budget de l’État, que 100 millions de dollars par an. » Une misère face aux offres alléchantes des monstres Rio Tinto, Posco ou Camiron.

« Ça sert à quoi de faire une étude d’impact sur le port en eau profonde de Kribi, une autre sur la mine de fer qu’il desservira, une autre sur le chemin de fer qui reliera les deux, une autre sur le barrage qui alimentera le complexe en électricité, une autre sur l’exploitation forestière voisine et une autre encore pour les grandes exploitations de palmiers à huile et d’hévéas dans la zone ? ajoute-t-il. Personne ne se soucie des effets cumulatifs sur l’environnement de cette multiplication de chantiers qui vont attirer des milliers d’ouvriers vivant de la chasse et défrichant les bois. Personne ne s’est donné les moyens d’identifier ce qui va nous arriver. »

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Entre 20 000 et 40 000 Pygmées risquent de se retrouver chassés de leur milieu naturel et prolétarisés le long des pistes, comme cela s’est déjà produit aux abords de l’oléoduc en provenance du Tchad. On avait promis de les aider pendant vingt-cinq ans à améliorer leur agriculture, leurs écoles et leurs dispensaires. Dix ans après, il n’y a plus d’argent pour eux.

« Leur culture de la non-violence fait qu’ils ne disent rien face à la destruction de leur forêt, qu’ils vivent douloureusement, analyse Samuel Nguiffo. Mais chez nous, quand on ne dit rien, on n’existe pas… » Il ne reste plus que quelques mois pour que l’État se ressaisisse et mette sur pied une véritable coordination. Quand tous les chantiers auront démarré, il sera trop tard et il y aura des dégâts irréversibles.

Le secrétaire général de l’ONG est pessimiste. « Non, réaliste, répond-il, car nous avons l’impression que l’État n’a pas les moyens humains et financiers dont nous aurions besoin. À Kribi, le délégué du ministère de l’Environnement devrait avoir sous ses ordres une dizaine de personnes pour surveiller le port, la centrale, le barrage, le chemin de fer et les exploitations agricoles. Or il est seul avec une secrétaire, face à des groupes qui prétendent qu’ils ont suffisamment donné à l’État et qu’ils n’ont plus les moyens de prendre des précautions supplémentaires. »

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