Comment va le Cameroun ?

À neuf mois de l’élection présidentielle camerounaise, le pays de Paul Biya hésite toujours entre dynamisme et somnolence. Plongée au cœur d’une société qui peine à libérer ses énergies.

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Publié le 24 février 2011 Lecture : 3 minutes.

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Il paraît qu’il y a, au Cameroun, en octobre de cette année, une élection présidentielle. Il paraît, car autant le dire tout de suite : les jeux, sauf accident, sont faits. Paul Biya, 78 ans le 13 février, candidat (qui en doute encore ?) à sa propre succession pour un nouveau septennat, n’a par-devers lui aucun adversaire susceptible de lui porter ombrage, si ce n’est sa propre santé. Or, de ce côté-là, tous ceux qui l’ont vu à la mi-janvier lors du comice agropastoral d’Ebolowa jouer les Jacques Chirac d’autrefois, en déambulant pendant des heures de stand en stand sous un soleil de plomb, au cul des vaches et au groin des porcs, peuvent en témoigner : le chef de l’État est en forme. Émasculée, émiettée, engourdie par vingt-huit ans de biyaïsme, l’opposition camerounaise se dirige résignée vers le scrutin à un seul tour comme on va à l’abattoir. Que peuvent espérer, face au rouleau compresseur du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti-État, des personnalités aussi estimables que l’avocat Bernard Muna, l’activiste Kah Walla, les outsiders Louis Tobie Mbida, Hubert Kamgang, Christopher Fomunyoh, ou même le « Chairman » John Fru Ndi, dont l’image d’opposant historique et intransigeant s’est quelque peu brouillée depuis qu’il semble avoir pris goût aux audiences présidentielles ? Un score de figuration pour les uns, une candidature de témoignage pour d’autres, voire une posture monnayable en vue de lendemains ministériels. « La décomposition du paysage ­politique camerounais est telle, confie un diplomate en poste à Yaoundé, que le pouvoir n’aura nul besoin d’arranger les résultats, comme cela a pu se faire dans le passé. Le véritable test sera celui du taux de participation. Face à un scrutin sans enjeu véritable, nombre d’électeurs pourraient choisir l’exit option : l’abstention. »

La perspective d’une victoire annoncée de Paul Biya, si elle tétanise l’opposition, a aussi pour effet de vitrifier les ambitions du quatuor des dauphins présumés ou putatifs dont l’opinion cite volontiers les noms – au grand dam de ces derniers, pour qui évoquer la succession du patriarche d’Etoudi revient à parler de corde dans la maison d’un pendu. Le vice-Premier ministre et ministre de la Justice Amadou Ali, le ministre d’État chargé de l’Administration territoriale Marafa Hamidou Yaya, le secrétaire général du RDPC René Sadi et le secrétaire général de la Présidence Laurent Esso devront donc continuer à faire preuve d’une infinie patience à la table de ce jeu de poker menteur tout empreint de dissimulation qu’est l’après-Biya – si tant est, bien sûr, qu’il s’agisse là de leur objectif.

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Reste le scénario à la mode. Celui d’une contagion tunisienne ou égyptienne, à laquelle la presse camerounaise s’est beaucoup intéressée ces derniers temps. Un pouvoir apparemment inamovible, une opposition réduite aux acquêts, de fortes inégalités sociales : le parallèle est tentant. Mais, jusqu’à preuve du contraire, inopérant. Il n’existe encore au Cameroun ni syndicats, ni société civile, ni classe moyenne, ni jeunesse diplômée suffisamment développés, vigoureux et politiquement conscients pour transcender les clivages régionaux et communautaires. Comme on le lira ci-après, ce ne sont pas les sujets de mécontentement qui font défaut, ce sont les munitions. L’atonie camerounaise a donc encore de beaux jours devant elle, et Paul Biya, un boulevard pour, enfin, réveiller la belle au bois dormant de l’Afrique centrale. Le veut-il vraiment ? Tout le problème est là… 

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