Hosni et Beatrix

Fouad Laroui © DR

Publié le 16 février 2011 Lecture : 2 minutes.

Aujourd’hui, des drapeaux flottent fièrement au fronton de tous les édifices publics des Pays-Bas et aussi au sommet des tours des églises (mais pas des mosquées, bizarrement). Ce déploiement de liesse officielle est dû au fait que la reine Beatrix fête son anniversaire. Bien qu’on ne doive jamais demander leur âge aux dames, et encore moins le divulguer, on fera une exception pour Sa Majesté : elle est née le 31 janvier 1938 et a donc atteint l’âge respectable de 73 ans.

Au moment où, de ma fenêtre, je regarde d’un œil le drapeau batave flotter au haut de la tour de la Westerkerk, j’ai l’autre œil rivé sur la télé où les manifestations se poursuivent au Caire, à Alexandrie et dans d’autres villes égyptiennes : on y réclame le départ du président Hosni Moubarak. Un des arguments avancés par la foule est que ce dernier est au pouvoir depuis 1981 : trente ans, ça suffit !

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Or Beatrix règne depuis le 30 avril 1980 et la rue ne bouge pas. Vous me dites : « Oui, mais la reine n’a aucun pouvoir. » Faux : selon la Constitution des Pays-Bas, le monarque « fait partie du gouvernement ». Beatrix peut intervenir dans toute discussion ministérielle, convoquer le Premier ministre, donner son avis, etc. C’est elle qui nomme en toute liberté le « formateur », c’est-à-dire la personne chargée de mettre sur pied une coalition gouvernementale après les élections législatives.

Ce n’est d’ailleurs pas du goût de tout le monde. Le parti populiste PVV de Geert Wilders prône une modification de la Constitution qui ferait de la reine un pur symbole d’unité nationale qui n’aurait aucun pouvoir. Certains vont plus loin : il y a un très officiel Club des républicains qui réclame carrément l’abolition du régime. Signe de la très grande tolérance qui règne – si l’on ose dire – dans le pays de Rembrandt : l’un des membres les plus en vue de ce club a reçu naguère une très officielle décoration décernée par… la reine. Et il l’a acceptée, le boug­re !

Vous me dites : « Oui, mais la reine n’est pas une vulgaire Leïla la Coiffeuse, qui s’est enrichie indûment sur le dos du peuple. » Absolument, comme on dit à la télé. Mais cela n’empêche pas la bonne Beatrix de détenir un bon paquet d’actions de Shell – entre autres – et d’être une des femmes les plus riches du monde. Et pourtant, la rue ne bouge pas. (Je viens encore de jeter un coup d’œil de ma fenêtre.)

Vous rugissez : « Oui, mais Hosni Moubarak voulait imposer son fils comme successeur ! »

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Euh… Le successeur de Beatrix est déjà connu : c’est son fils Willem-Alexander.

Alors ? Alors, énonçons l’évidence. À côté de toutes ces similitudes, il y a l’essentiel : un Parlement dont les membres sont élus dans des élections honnêtes et transparentes que personne ne conteste ; de vrais partis qui font leur boulot (chacun d’eux a un think-tank chargé de produire régulièrement des analyses sociopolitiques et des propositions de réforme) ; des élus et des fonctionnaires dont on peut contrôler l’enrichissement et donc l’absence de corruption. Il y a aussi (surtout ?) une presse libre, diverse, professionnelle. Il y a enfin un peuple qui se prend en charge et n’attend pas tout de l’État.

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Moyennant quoi, Sa Majesté peut fêter tranquillement son anniversaire. Happy birthday !

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