France : Mélenchon, l’homme qui veut la peau de « DSK »
Membre du Parti socialiste trente ans durant, Jean-Luc Mélenchon a juré la perte de ses anciens camarades lors de la présidentielle de 2012. Sa bête noire ? L’actuel directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn.
À droite, il y a Marine Le Pen. À gauche, Jean-Luc Mélenchon. Aussi dissemblables soient-ils, ces deux-là ont un point commun : ils chassent sur les mêmes terres électorales. Leur cible ? Les laissés-pour-compte de la mondialisation. Le 14 février, la patronne du Front national et le coprésident du Parti de gauche se sont affrontés en direct sur RMC et BFM TV. « Je vais lui envoyer un exocet dans la cabine », fanfaronnait le second avant l’interview. Il faudra cependant plus que ça, tant son retard dans les sondages (plus de 10 points) paraît sans remède. Détail révélateur : il ne séduit, pour l’instant, que 13 % des ouvriers. Pour un populiste présumé, c’est peu. La vérité est que, populiste, Marine l’est vraiment. Et que Jean-Luc joue à l’être.
Tout cela n’est d’ailleurs que mise en scène médiatique dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012, à laquelle Mélenchon est officiellement candidat depuis le 21 janvier. Car sa vraie cible, c’est… le Parti socialiste, dont il fut membre pendant plus de trente ans (1977-2008). Secrétaire national de ce parti et strauss-kahnien notoire, Jean-Christophe Cambadélis ne s’y trompe pas. L’objectif de Mélenchon, estime-t-il dans le quotidien Libération, c’est de « recomposer la gauche autour de sa propre personne ». En contribuant à la défaite de ses anciens camarades.
Curieux itinéraire que celui de ce pied-noir né à Tanger il y a près de soixante ans, passé sans état d’âme du trotskisme le plus dogmatique au mitterrandisme le plus ondoyant. Puis du fédéralisme européen au souverainisme « de gauche ». Indulgent avec les autocrates postcommunistes (Poutine, Castro, Chávez), il se montre sans pitié avec les Américains, ces « cow-boys en virée », comme avec les « séides de l’Église catholique », défenseurs de l’école libre. Adversaire déclaré du libéralisme et même du libre-échange, il voue une exécration particulière au FMI, accusé d’« organiser la famine, le désordre et le démantèlement de l’État ». Et donc, on l’aura compris, à Dominique Strauss-Kahn, son directeur général, avec lequel le PS ne manquerait pas de « s’enfoncer dans l’impasse » s’il avait le mauvais goût d’en faire son candidat pour 2012.
"Gorgés de fric"
Dans le pamphlet qu’il vient de publier chez Flammarion (Qu’ils s’en aillent tous !), Mélenchon alterne les formules brillantes (« insurrection civique froide » pour désigner l’abstention massive qui caractérise la majorité des scrutins dans les démocraties occidentales), les invectives fleurant bon l’antiparlementarisme d’avant-guerre (« goinfrée », « gorgés de fric ») et les effets rhétoriques néo-hugoliens : « Qu’ils s’en aillent tous ! : les patrons hors de prix, les sorciers du fric qui transforment tout ce qui est humain en marchandise, les émigrés fiscaux, les financiers dont les exigences cancérisent les entreprises. […] Du balai ! Ouste ! De l’air ! » Bien campé dans le rôle d’un moderne Saint-Just, il rêve d’une « révolution citoyenne », d’une abolition des privilèges, d’une nouvelle nuit du 4 Août.
Ayant consacré plusieurs mois à agresser les journalistes – ces « petites cervelles », ces « larbins » –, il est aujourd’hui invité sur tous les plateaux de télévision. À seize mois de l’échéance présidentielle, il court le risque de s’essouffler. D’autant que des tâches plus ingrates l’attendent. Comme son « OPA amicale » (Cambadélis) sur le vieux Parti communiste, son allié au sein du Front de gauche. Très affaibli électoralement, le PCF conserve en effet un réseau d’élus et un réservoir de militants indispensables à la réussite de son entreprise. Or, Place du Colonel-Fabien, une poignée de grognards renâclent à faire de Mélenchon leur candidat…
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