Le facteur UGTT dans l’après-révolution
La puissante centrale syndicale UGTT pourrait constituer un pôle de rassemblement, au nom de la défense des acquis de la révolution tunisienne.
Paysage après la révolution tunisienne
Le vide politique créé par la fin du régime Ben Ali aura largement profité à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), la puissante centrale syndicale. Forte de 500 000 adhérents, elle est la seule organisation de masse du pays après la déconfiture de l’ex-parti au pouvoir. Historiquement, sa base a toujours représenté un contrepoids naturel au système autoritaire établi. Aujourd’hui, elle est à la pointe du combat pour la défense des acquis de la révolution. Et pourrait jouer un rôle de rassembleur dans la perspective des prochaines élections.
Dès le déclenchement de la révolte populaire, ses cadres locaux se sont solidarisés avec les manifestants. Lorsque la contestation a atteint la capitale, la direction les a rejoints à son tour. La manifestation du 14 janvier, à laquelle ont appelé ses filiales, a largement contribué à la chute de Ben Ali. L’UGTT s’est ensuite posée comme l’interlocuteur principal du pouvoir, pesant sur la définition de la période de transition et obtenant la mise à l’écart des principaux ministres de Ben Ali dans le gouvernement Ghannouchi I.
Quatre courants
Ce rôle n’a pas beaucoup surpris. L’UGTT a, depuis sa fondation, en 1946, joué un rôle politique central. Partenaire du Néo-Destour de Habib Bourguiba durant la lutte pour l’indépendance, qu’elle a parfois suppléé quand les militants destouriens étaient emprisonnés ou exilés, elle a été associée à la construction des nouvelles institutions du pays. Mais par la suite, la nature de ses relations avec le pouvoir va osciller entre la confrontation et la rivalité, sur fond d’autonomisation des syndicats dans un environnement répressif. Sa direction nationale s’est progressivement bureaucratisée, mais elle a toujours choisi de suivre sa base pour éviter d’être balayée. Sans doute parce que cette base a réussi à faire entrer au sein du bureau exécutif plusieurs de ses représentants, faisant de l’UGTT un microcosme du champ politique tunisien avec quatre courants principaux : des syndicalistes de gauche, des indépendants, des sympathisants islamistes et des proches du parti au pouvoir. C’est ce qui explique que l’UGTT était la seule organisation nationale, avec celle des avocats, à ne pas soutenir la candidature de Ben Ali aux présidentielles, même si Abdessalem Jrad, son secrétaire général, entretenait des relations courtoises avec l’ex-chef de l’État. Lorsque la révolte populaire a atteint son paroxysme, la direction a basculé du côté des partisans du départ de Ben Ali.
En parallèle avec l’armée, l’UGTT joue désormais un rôle national pour permettre la réalisation des objectifs de la révolution. Elle soutient le maintien de Mohamed Ghannouchi à la tête du gouvernement de transition jusqu’à la prochaine élection présidentielle, qui pourrait avoir lieu dans six mois, tout en conservant sa liberté de proposition et d’appréciation.
Mais en coulisses, les caciques de l’ancien régime font campagne pour qu’elle retourne à son strict rôle de syndicat, de la même manière qu’ils veulent que les militaires, qui se sont portés garants de la révolution, retournent à leurs casernes. Leur objectif est simple : empêcher la centrale d’occuper le champ politique afin de se donner les moyens de reconstruire l’ancien parti au pouvoir et tenter de remporter les prochaines élections. C’est pourquoi des voix s’élèvent pour demander que l’UGTT constitue un pôle de rassemblement pour renforcer les partis démocratiques et la société civile, et veiller à l’élargissement et à la concrétisation des principales réformes lancées par le gouvernement Ghannouchi II. Si la centrale n’a pas souhaité participer au gouvernement, elle a cependant obtenu de siéger dans les trois commissions dont la mise en place, sous la présidence de personnalités indépendantes, est l’un des principaux acquis de la révolution.
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