Splendeurs et misères des Vénus noires

Publié le 3 février 2011 Lecture : 2 minutes.

Cette prostituée a été tellement molestée par son amant maquereau qu’elle a fait tatouer sur son ventre : « Entrez sans frapper ». Une façon comme une autre de commencer l’analyse d’un récent article de la presse française sur la prostitution des mineurs. D’entrée, l’on présente différents types de prostitués : ados français ou d’Europe de l’Est, esclaves sexuelles africaines. Ce qui frappe, ce ne sont plus les coups des macs, mais la spécificité du qualificatif affecté aux Africaines. Alors que les Européens ont un qualificatif objectif, qu’est-ce qui permet de déterminer l’état d’esclave des Africaines ? Leurs déclarations, soit. Comment les mettre en doute !

Tout y passe : maraboutage, superstitions, représailles au pays, ex-prostituées devenues mamas maquerelles en boubou (sic !). Nous apprenons ainsi que ces « esclaves » doivent rembourser une dette qui peut aller jusqu’à 50 000 euros. Tantôt c’est leur famille qui les « vend », tantôt c’est ladite famille qui verserait les 50 000 euros, cherchez l’erreur… Je tiens néanmoins à avertir ceux qui penseraient que les familles de Freetown, Lagos ou Accra (oui, bizarrement, on nous dit qu’elles sont surtout « anglos », celles qui viennent encombrer nos trottoirs parisiens) donneront au premier venu une telle somme – environ 32 800 000 F CFA, rien que cela – pour que leurs filles deviennent prostituées esclaves endettées, de ne pas trop rêver. Elles ne courent pas les rues, les familles qui disposent de 656 mois de smic local – 50 000 F CFA. Mais le discours français sur la misère africaine n’est pas à un délire près.

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Sous cette plume, les filles de l’Est ont plus de chance. Outre qu’elles ne sont pas esclaves, leur prostitution serait construite et obéirait à « des stratégies financières, familiales, conjugales ». Et quand on découvre qu’elles font moins adultes que les robustes Africaines, nul ne s’interroge sur les récits monochromes des filles ébène « vendues par leur famille » et « avec une fausse identité » dont on peut penser, à juste titre, que l’âge est falsifié.

Entendons-nous bien ou pensez ce que vous voulez. Nous ne prétendons pas qu’il n’y a pas de mineures noires sur les trottoirs nocturnes de Paris. Nous ne pensons pas qu’elles soient dans une situation plus servile que leurs consœurs venues du froid. Nous sommes convaincus que toutes ont des stratégies similaires. Mais nous constatons que la France peine à sortir des idées reçues et misérabilistes sur l’Afrique en général et l’Afrique noire en particulier. Cette dérive frappe tous les pans de la société : ONG porteuses de salut, comme jadis on portait la civilisation, comme si le salut pouvait venir de l’étranger ; politiques qui n’ont rien vu venir en Tunisie, mais continuent à offrir leurs services, non plus pour former les flics à la répression inodore sinon indolore – peut-être l’Égypte, madame le ministre –, mais pour aider les Tunisiens, qui n’ont absolument rien demandé.

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