Autorité palestinienne : comment Abbas a capitulé face à Israël
Selon des documents confidentiels rendus publics par Al-Jazira, les responsables palestiniens conduits par Mahmoud Abbas étaient prêts à faire d’importantes concessions lors des négociations de 2008, tout en affichant une fermeté de façade.
Faut-il y voir un effet WikiLeaks ? Associée au célèbre quotidien britannique The Guardian, la chaîne de télévision qatarie Al-Jazira a rendu publique, du 23 au 27 janvier, l’intégralité des 1 600 documents en sa possession qui dévoilent la teneur des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens en 2008. Censés être confidentiels, ces documents montrent que, derrière une fermeté de façade, l’Autorité palestinienne aurait consenti d’importantes concessions en vue de parvenir à un compromis historique avec l’État hébreu.
Les faits remontent à la dernière année du mandat d’Ehoud Olmert à la tête du gouvernement israélien. Mis en cause dans plusieurs affaires de corruption, celui-ci annonce sa démission au cours de l’été. Il espère alors qu’une percée diplomatique avec les Palestiniens lui offrira une sortie honorable. De son côté, la communauté internationale mise sur le processus d’Annapolis, enclenché quelques mois plus tôt par le président américain George W. Bush. Particulièrement ambitieux, ce plan ne se limite pas à une simple relance des négociations, mais vise sans ambiguïté la conclusion d’un accord de paix avant la fin de 2008. C’est alors que les discussions retrouvent une intensité inégalée depuis Camp David II. Les Palestiniens décident d’abattre toutes leurs cartes.
Renoncements surprenants
Al-Jazira a choisi d’orienter ses révélations sur les épineuses questions de Jérusalem et du droit au retour des réfugiés. Le sort de la Ville sainte, qu’Ehoud Olmert disait à l’époque vouloir traiter dans un deuxième temps, apparaît en réalité au cœur des négociations. Dans le cadre d’un plan de partage, on apprend ainsi que le négociateur palestinien Ahmed Qoreï aurait proposé aux Israéliens de conserver l’ensemble des colonies juives de Jérusalem-Est construites depuis 1967, à l’exception de Har Homa, qui fait face à la localité de Bethléem. D’autres documents indiquent que les responsables palestiniens étaient également prêts à renoncer « au quartier juif et à une partie du quartier arménien » de la vieille ville. « Ce n’est pas un secret que nous vous avons proposé la plus grande Yerûshâlayîm [Jérusalem, en hébreu] de l’Histoire », aurait confié le négociateur palestinien Saeb Erekat à la ministre Tzipi Livni, aujourd’hui chef de l’opposition israélienne.
La stupéfaction vient également d’un autre dossier cher au peuple palestinien : le droit au retour des réfugiés. En contrepartie d’une reconnaissance israélienne de ce principe, Saeb Erekat aurait suggéré que, sur une période de dix ans, 100 000 Palestiniens seulement – sur les 5 millions que compte la diaspora – puissent regagner leur terre. Surprenante au même titre que le renoncement à une grande partie de Jérusalem-Est, cette posture contredit le discours officiel palestinien qui a toujours mis un point d’honneur à défendre le principe du droit au retour pour chaque réfugié de 1948.
Tel-Aviv rate le coche
Il n’en fallait pas plus pour que le Hamas voie dans ces fuites la preuve de l’« implication » de l’Autorité palestinienne dans les « tentatives de liquidation de la cause palestinienne ». D’autant que certains documents témoignent d’une coopération sécuritaire accrue entre l’État hébreu et le gouvernement de Mahmoud Abbas. Quelques jours avant le déclenchement de l’opération militaire israélienne à Gaza en 2009 – qui fera 1 400 morts –, le président palestinien aurait été informé de l’imminence de l’offensive. Auparavant, son conseiller Ahmed Qoreï avait suggéré à Israël de renforcer son blocus contre l’enclave palestinienne afin d’affaiblir le Hamas.
Démenties par plusieurs hauts responsables israéliens, rejetées en bloc par l’Autorité palestinienne, qui parle d’un « tissu de mensonges », ces allégations discréditent un peu plus Mahmoud Abbas aux yeux des Palestiniens et de l’opinion arabe. Côté israélien, la perception est quelque peu différente. À l’instar du journal Haaretz, la presse locale reconnaît que l’État hébreu disposait d’un partenaire pragmatique et qu’il n’a vraisemblablement pas été en mesure de saisir cette occasion, aussi improbable qu’inespérée.
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