Algérie : pourquoi le « grand soir » de Saïd Sadi est tombé à l’eau
Après l’échec de la marche du 22 janvier, le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Saïd Sadi, a dû rectifier le tir. Et amorcer un rapprochement avec la société civile et les syndicats.
Bravant l’interdiction, en vigueur depuis juin 2001, de manifester dans la capitale, surfant sur la vague révolutionnaire tunisienne et profitant du mouvement de révolte contre la cherté de la vie qui a secoué, entre le 5 et le 8 janvier, 20 des 48 wilayas (préfectures) du pays, Saïd Sadi, 64 ans, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, une fâcheuse homonymie avec l’ex-parti au pouvoir en Tunisie) a appelé ses militants à une marche de protestation, à Alger, le 22 janvier. Objectif : « Permettre aux citoyennes et citoyens algériens d’exprimer pacifiquement leurs inquiétudes et leurs revendications dans un cadre concerté en vue d’aboutir à la mise en œuvre d’une phase de transition permettant au peuple algérien de décider librement de son destin. »
Mais le « grand soir » dont rêve Sadi n’est sans doute pas pour demain. Un dispositif policier impressionnant a transformé les velléités de marche massive en un petit rassemblement de 250 militants devant le siège du parti, dans une grande artère commerçante de la capitale. L’échec de l’initiative de Saïd Sadi ne tient pas tant à l’efficacité du blocage des axes routiers qui relient Alger à la Kabylie, fief électoral du RCD, qu’au refus des autres composantes de l’opposition de se joindre à son appel.
Frères ennemis de l’opposition
Les rivalités traditionnelles entre la formation de Sadi et celle de Hocine Aït Ahmed, inamovible patron du Front des forces socialistes (FFS) et opposant de toujours, ont largement entamé la crédibilité des deux partis, qui se disputent le leadership en Kabylie. La moindre initiative de l’un des deux frères ennemis suscite méfiance et circonspection au sein de la classe politique et de l’opinion, car elle est assimilée à une manœuvre pour piéger le rival.
La faiblesse de la mobilisation du RCD est à l’image de son poids réel sur l’échiquier politique algérien. Saïd Sadi a été crédité de moins de 200 000 voix lors du dernier scrutin uninominal (la présidentielle de 2004) auquel il s’est présenté, soit 1,9 % des suffrages. Son parti dispose de 19 sièges (sur 389) dans la Chambre basse du Parlement, ce qui lui permet certes de disposer d’un groupe parlementaire, mais exclut toute influence dans les débats et décisions de l’Assemblée nationale. Autre handicap de Saïd Sadi : sa personnalité controversée. Président du RCD depuis sa création, en 1989, Sadi a fait le vide autour de lui. Ses compagnons, cofondateurs du parti, ainsi que ses rivaux internes ont été broyés par un appareil dont le fonctionnement est fortement centralisé. Ses détracteurs qualifient le RCD de Hizb França (le parti de la France), car le docteur Sadi (il est psychiatre) a, par exemple, lancé son appel à la marche sur France Info (une radio qui n’est pas captée en Algérie) et dans les colonnes du quotidien français méridional La Provence (qui n’est pas distribué en Algérie). Un journal numérique national lui en a fait grief. Le RCD a riposté en se fendant d’un communiqué peu amène à l’égard du site électronique et de son fondateur.
Tirant les enseignements de l’échec du 22 janvier, Saïd Sadi a fini par admettre les vertus du multilatéralisme et rejoint un mouvement lancé par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH, de Mustapha Bouchachi) et des organisations de la société civile, notamment des syndicats autonomes, appelant à une manifestation pacifique pour le 10 février. Quant au FFS, il continue de faire bande à part. Et appelle à un meeting, le 9 février, à Alger, dans un espace fermé pour éviter l’écueil de l’autorisation administrative. Ainsi va l’opposition algérienne.
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