Révolution tunisienne : « Facebook m’a tuer »
Fermé en août 2008, le réseau social Facebook avait été rapidement rouvert sur intervention de l’ex-président Ben Ali en personne. Heureuse décision !
« Manifestation avenue Bourguiba à 8 heures » ; « Ben Ali, dégage ! » ; « Je suis dans le quartier de La Manouba, il y a de la fumée noire, la foule a été dispersée ». Tous les jeunes Tunisiens vous le diront : une partie de l’histoire de la « révolution du jasmin » s’est écrite sur le mur virtuel de Facebook. Appels à la mobilisation, vidéos des exactions policières, surveillance des milices se livrant à des actes de vandalisme, les « statuts » (messages) des internautes ont nourri et en partie organisé la contestation. « Bien sûr, il y aurait eu les émeutes même sans internet, et c’est d’abord la rue qui a fait la révolution. Mais les réseaux ont permis d’accélérer les choses et ont empêché le pouvoir d’étouffer la révolte », s’enthousiasme Moncef, 31 ans. « Avec Facebook et Twitter, ajoute Zohra, on a pu contourner la propagande et les médias officiels. On donnait de l’information brute, en direct, pour alerter le monde. »
Dès l’immolation de Mohamed Bouazizi et les premières émeutes à Sidi Bouzid et Kasserine, Facebook a permis de relayer l’information jusqu’aux beaux quartiers de la capitale. « Quand les premières vidéos, montrant des exactions policières, ou carrément des morts baignant dans leur sang, ont été mises en ligne, se souvient Emna, ça a alimenté la colère et galvanisé les foules. » Après le discours du 13 janvier de Ben Ali, des dizaines de milliers d’appels au maintien de la mobilisation ont été diffusés en quelques heures seulement.
Face à 3,6 millions d’internautes tunisiens et à 850 000 utilisateurs actifs de Facebook, le pouvoir s’est vite trouvé dépassé. Rapide, gratuit, interactif et simple d’utilisation, Facebook est une arme de destruction massive de régimes vieillissants. Joe Sullivan, chef de la sécurité de Facebook, a d’ailleurs expliqué au journal américain The Atlantic que le régime avait tenté, dès la fin de décembre, de pirater le réseau social. En vain.
Facebook a toujours été un espace à part sur une Toile tunisienne très largement censurée. Alors que Dailymotion, YouTube et la plupart des blogs contestataires étaient interdits, le réseau social est demeuré un espace de discussion assez libre. Une exception que les Tunisiens doivent à Ben Ali lui-même. En effet, quand, en août 2008, Facebook est fermé par crainte qu’il ne devienne une tribune militante, c’est l’ex-président qui intervient pour permettre sa réouverture. Féru de nouvelles technologies, Ben Ali a voulu que la Tunisie soit le premier pays arabe et africain à se connecter au réseau des réseaux, en 1991. Bien lui en a pris…
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