Gabon : coup de poker à Libreville

L’un des principaux chefs de l’opposition, André Mba Obame, candidat malheureux à la présidentielle d’août 2009, s’est autoproclamé chef de l’État le 25 janvier… 2011. À ses risques et périls.

André Mba Obame à l’aéroport de Libreville, le 30 décembre 2010. © AFP

André Mba Obame à l’aéroport de Libreville, le 30 décembre 2010. © AFP

GEORGES-DOUGUELI_2024

Publié le 1 février 2011 Lecture : 3 minutes.

On croyait que les jeux étaient faits, que l’opposition gabonaise s’était résignée à la victoire d’Ali Bongo Ondimba (ABO) à la présidentielle du 30 août 2009. Mais André Mba Obame (AMO) n’a manifestement pas digéré le « coup d’État électoral » dont, avec ses amis de l’Union nationale (UN), il estime être victime. Candidat indépendant, Mba Obame est arrivé troisième selon les résultats officiels (22,33 % des suffrages exprimés), derrière le leader de l’Union du peuple gabonais, Pierre Mamboundou (22,64 %)… ce qui rend encore plus difficilement compréhensible son action, quinze mois après l’investiture d’ABO. Le 25 janvier, l’ancien ministre de l’Intérieur s’est en effet autoproclamé président de la République et a prêté serment devant ses partisans.

L’onde de choc est bien entendu parvenue quasi instantanément jusqu’au chef de l’État, en tournée provinciale à Tchibanga, dans la Nyanga. Et la réaction du gouvernement ne s’est pas fait attendre. Dès le 26, l’UN, créée en 2010 par AMO et les anciens dignitaires Zacharie Myboto, Casimir Oyé Mba et Jean Eyéghé Ndong pour coaliser les forces d’opposition, est dissoute.

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"Haute trahison"

Dans la foulée, alors qu’AMO se réfugie dans les locaux du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), à Libreville, les autorités annoncent leur intention de demander la levée de son immunité parlementaire afin de le poursuivre en justice pour « haute trahison ».

Gêné par les vacances parlementaires, le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) veut accélérer la procédure. « Nous allons proposer la tenue d’une session extraordinaire avec ce seul point à l’ordre du jour », promet un sénateur de la majorité. Quant aux dix-neuf ministres du gouvernement parallèle qu’il a constitué à la suite de sa déclaration, ils encourent aussi des sanctions.

Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Tout semble parti des propos tenus par Michel de Bonnecorse dans le documentaire Françafrique, 50 années sous le sceau du secret, réalisé par Patrick Benquet et diffusé en décembre 2010 sur France 2. L’ex-Monsieur Afrique de l’Élysée – qui n’était déjà plus aux affaires en 2009 – y affirmait que les résultats de la dernière présidentielle gabonaise avaient été inversés au détriment de Mba Obame. Propos sur lesquels il est revenu depuis, imputant à un « mystère du montage » la transformation de ses dires. Peine perdue, le feu qui couvait s’est allumé. Dès le 19 décembre, Zacharie Myboto, président de l’UN, exigeait la démission d’Ali Bongo Ondimba.

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À l’ivoirienne et à retardement

Le deuxième détonateur est venu de la crise ivoirienne. Les opposants gabonais, « abandonnés à leur sort par la communauté internationale » alors qu’on leur volait la victoire, selon les mots d’AMO, ont tiré « les leçons de l’ingérence de l’ONU » en faveur du camp d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire. « Je constate que la communauté internationale a changé de paradigme, s’indignait Mba Obame en décembre, à Paris. Soit elle continue de soutenir la légalité des institutions et donc reconnaît Gbagbo comme président pour avoir été désigné comme tel par la Cour constitutionnelle ivoirienne, soit elle s’aligne désormais pour la légitimité acquise par les urnes, quoi qu’en pensent les cours constitutionnelles aux ordres, à l’instar de celle de mon pays. »

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AMO compte-t-il vraiment déloger Ali du fauteuil présidentiel ? Les risques qu’il encourt sont en tout cas de taille : élimination politique, procès pour haute trahison… Le pari semble relever de la folie. D’autant que nul, pour l’instant, au sein de la communauté internationale, ne paraît vouloir le suivre.

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