RDC : l’Est, éternelle poudrière
L’inattendu rapprochement entre la RDC et le Rwanda, fin 2008, n’a pas ramené la paix. Harcelées par les différents groupes armés, les populations des deux Kivus se sentent, sinon trahies, du moins abandonnées.
Kabila : Mobutu light
Retour fin 2008. Les troupes de Laurent Nkunda sont aux portes de Goma quand s’amorce le plus surprenant renversement d’alliances que la région ait connu. En quelques semaines, le rebelle tutsi est lâché par Kigali. Le chef du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) est assigné à résidence dans la capitale rwandaise et remplacé par son bras droit, Bosco Ntaganda. Quelques mois plus tard, ce dernier signe un accord avec le gouvernement congolais. Début 2009, 5 800 combattants du CNDP intègrent les Forces armées de la RD Congo (FARDC), qui lancent l’assaut contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) avec un soutien actif de Kigali.
La paix est-elle pour autant revenue dans les deux Kivus, ravagés par la guerre depuis plus de vingt-cinq ans ? Contrairement aux promesses du candidat Kabila en 2006 et aux objectifs affichés par Kinshasa depuis la normalisation de ses relations avec le voisin des Grands Lacs, la réponse est non.
Les grandes opérations militaires contre les rebelles hutus et les représailles sur les civils qui ont suivi ont des conséquences désastreuses. Plus de 1 million de personnes sont toujours déplacées, fuyant éternellement des agresseurs aux multiples visages. Les FARDC « contribuent largement à l’augmentation de l’insécurité et Kinshasa reste très tolérant vis-à-vis de la criminalité d’origine militaire », explique le dernier rapport sur la région d’International Crisis Group (ICG). La transformation du CNDP en parti politique et son récent ralliement à l’Alliance pour la majorité présidentielle (AMP), fin décembre, cachent mal les ratés de l’intégration de cette soldatesque sans foi ni loi. Les anciens fiefs du CNDP, en particulier le Masisi, dans le Nord-Kivu, sont toujours sous la coupe d’une administration autonome. Les policiers et les militaires issus de l’ex-rébellion « obéissent encore à des chaînes de commandement parallèles », indique ICG. Objectif : conserver la maîtrise de l’exploitation des mines.
« Forces négatives »
En décembre, l’organisation Human Rights Watch (HWR) dénonçait une nouvelle vague d’enrôlements dans l’Est, en particulier de jeunes, par les hommes de Bosco Ntaganda pour renforcer les « troupes parallèles ». Les FDLR ainsi que différentes milices Maï-Maï recrutent aussi, tandis qu’une étonnante alliance semble prendre forme entre les derniers partisans de Nkunda, les FDLR et des opposants au régime de Paul Kagamé (notamment le mouvement inauguré par l’un de ses anciens bras droits, le général Faustin Kayumba Nyamwasa). Un regroupement que les ministres de la Défense du Burundi, du Rwanda et de la RD Congo, réunis le 21 janvier à Goma dans le cadre de la Commission économique des pays des Grands Lacs, ont qualifié de « projet d’alliance des forces négatives ». Ils ont préparé ensemble un programme commun pour renforcer la sécurité.
À ces agitations politiques sur fond de bouillonnement ethnique s’ajoute l’épineuse question du rapatriement des Congolais installés au Rwanda, au Burundi et en Ouganda. Alors que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a enregistré 54 486 réfugiés au Rwanda, le CNDP demande de son côté le retour de quelque 150 000 « Congolais »… Quant au dernier rapport des experts des Nations unies sur la RD Congo, il notait l’existence de « tensions créées par des retours spontanés ainsi que par des migrants économiques venus du Rwanda ». Les populations dans l’est du Congo n’en ont pas fini avec les bruits de bottes et la violence.
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