Attention, transition
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 31 janvier 2011 Lecture : 2 minutes.
Deux semaines après la chute de Zine el-Abidine Ben Ali, la Tunisie a enfin un gouvernement de transition qui recueille l’assentiment de la majorité de la population – dont notamment celui de l’UGTT. On devrait donc s’éloigner tout doucement de la zone de turbulences post-révolution. Il ne fallait surtout pas que le pays s’enlise trop longtemps dans cet étrange entre-deux, pollué par les règlements de comptes et la chasse aux sorcières. Car à vouloir tout raser, on prenait le risque de ne rien pouvoir reconstruire. Toute catharsis a ses limites, les uns perdant subitement la mémoire, les autres la retrouvant comme par magie. Les acquis des années Ben Ali ? Mieux vaut, pour beaucoup, ne pas en parler, quitte à jeter le bébé avec l’eau du bain. Les résistants de la 25e heure, eux, se multiplient. Pis, ils se muent sans vergogne en procureurs acharnés et désignent à la vindicte populaire, droits dans leurs bottes, les traîtres qu’il convient de châtier. À la paranoïa généralisée ne doit pas succéder la suspicion systématique. Il n’est que temps pour la Tunisie de concentrer ses efforts sur l’avenir plutôt que de ressasser les tourments du passé.
Comme nous l’a dit un Mohamed Ghannouchi en pleine tempête, « l’Histoire jugera et tout le monde assumera ses responsabilités ». Les commissions ad hoc et la justice, désormais indépendante, sont là pour ça. Car enfin, au-delà des coupables avérés, il faut faire la part des choses et se remémorer ce qu’était l’ancien régime: un système qui a vampirisé l’intégralité du pays plus de deux décennies durant. Il convient donc d’éviter les jugements hâtifs et de distinguer ceux qui y ont participé délibérément, souvent par intérêt, ceux qui y ont été contraints par crainte de représailles contre eux-mêmes ou contre leurs proches et ceux qui ont fait le choix de servir le système pour tenter de circonscrire autant que possible ses dérives.
Nous serions tous mieux avisés, y compris Jeune Afrique, de faire notre mea culpa plutôt que de verser dans l’acrimonie. Peut-être pourrions-nous aussi apprendre à faire confiance. Au gouvernement, aujourd’hui en ordre de marche, aux commissions indépendantes, aux hommes politiques de tous bords chargés d’organiser la prochaine élection présidentielle, unique viatique de cette Tunisie nouvelle que tout le monde appelle de ses voeux. Aux bonnes volontés de l’ancien régime qui auront à coeur de changer les choses. À leurs opposants, qui ne manqueront pas de vigilance.
La Tunisie dispose de tous les atouts pour que le pays de cocagne qu’on nous a longtemps dépeint devienne réalité. À condition de ne pas perdre trop de temps et de regarder devant soi…
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