À la rencontre du sultan Njoya

Patrice Nganang revisite le Cameroun de la Première Guerre mondiale. Et rend hommage au sultan Njoya, le roi des Bamoums, féru d’art et de sciences.

Le sultan Njoya, roi des Bamoums. © D.R.

Le sultan Njoya, roi des Bamoums. © D.R.

ProfilAuteur_FabienMollon

Publié le 3 février 2011 Lecture : 2 minutes.

Au départ était le Saa’ngam, les Mémoires du royaume bamoum achevés en 1921 par le sultan Njoya, inventeur de son propre alphabet. L’écrivain Patrice Nganang, né en 1970 à Yaoundé, s’en est imprégné et, pendant huit ans, a enquêté au Cameroun, en France, en Allemagne et aux États-Unis – où il vit – à la recherche d’écrits sur les années 1910 à 1930. Puis il a exposé le tout à la lumière de son imagination. Résultat : Mont Plaisant fournit un éclairage brillant sur une période charnière de l’histoire du Cameroun.

Dans le roman, c’est Bertha, une jeune femme étudiant aux États-Unis, qui mène ce travail d’excavation de la mémoire. Revenue au pays pour y faire des recherches sur les origines du nationalisme camerounais, elle rencontre Sara, une vieille dame qui fut dès l’âge de 9 ans plus que l’esclave, l’ombre même de Njoya. À travers leurs confidences s’instaure un dialogue entre histoire écrite et histoire vécue. D’où tiennent-elles leur connaissance des événements qui chahutèrent la cour du sultan ? « Les archives allemandes », explique l’étudiante. « Mon corps est une archive, rétorque la doyenne. Il se souvient d’histoires que je ne connais pas. »

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"Musée de la coloniale"

« L’Histoire appartient à tout le monde, explique l’auteur de Temps de chien (Grand Prix littéraire de l’Afrique noire 2003). Elle est le vécu d’êtres humains, mais il ne suffit pas d’être africain pour connaître celle du continent. Au Cameroun, la version officielle débute avec la bataille pour l’indépendance, dans les années 1950. L’histoire intellectuelle commence bien avant, mais le Saa’ngam n’est pas enseigné à l’école et la bibliothèque du sultan est en train de mourir, mangée par les cancrelats. »

Par bien des aspects, ce roman s’apparente à une tentative d’histoire totale dans un espace devenu, en pleine guerre mondiale, le centre du monde. À Foumban, fief bamoum, puis au Mont Plaisant, à Yaoundé, où Njoya et sa cour vivent en exil à partir de 1921, défilent des Allemands, des Britanniques, des Français et un chef ewondo qui se fera appeler successivement Karl, Carl et Charles Atangana. Bref, un « musée de la coloniale » avec ses inconnus, ses sommités et ses martyrs, résume Nganang. Avec ses artistes aussi. Architectes, sculpteurs et calligraphes gravitent autour du souverain, qui, voyant décliner son pouvoir, se réfugie « dans la promesse d’éternité des ateliers ». Outre le Saa’ngam, il produit le Nuet ­Nkuete, son livre de la foi, le Lewa Nuu Nguet, livre de l’amour décrivant « cent dix-sept positions au cours desquelles une femme et un homme atteignent des orgasmes multiples », un dictionnaire « bamfranglais » (bamoum-français-anglais)… Les archives bamoumes, en somme.

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  Mont Plaisant, de Patrice Nganang, éditions Philippe Rey, 506 pages, 20 euros.

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