Maroc : bienvenue à Ouallywood !

Une luminosité exceptionnelle, des paysages variés, des tarifs compétitifs… Autant d’atouts pour Ouarzazate, qui séduit de plus en plus les professionnels du septième art.

Ouarzazate, mars 2008. © Reuters

Ouarzazate, mars 2008. © Reuters

Renaud de Rochebrune

Publié le 3 février 2011 Lecture : 5 minutes.

Parfois, il suffit de regarder les passants pour savoir ce qui se passe à Ouarzazate. Il y a deux ans, l’on rencontrait une proportion, très inhabituelle, de barbus dans la rue… qui devaient tourner dans un film dont l’action se déroulait en Afghanistan. Ici, les habitants vivent au rythme du cinéma. Fin 2010, on attendait avec impatience le tournage d’une superproduction hollywoodienne – un nouveau volet de Alien, le septième – annoncé pour mai prochain. Un film de Ridley Scott, l’auteur en 1979 du premier épisode de cette série devenue culte, d’autant plus attendu que le célèbre réalisateur américain est un habitué des lieux et un amoureux du Maroc. Et surtout qu’il a la réputation, depuis le tournage de Gladiator, en 2000, de bien traiter les figurants et de les payer convenablement.

Les recettes issues des tournages étrangers sont devenues des ressources essentielles non seulement pour la capitale du cinéma du Sud marocain, Ouallywood, comme l’a baptisée récemment le Financial Times, mais aussi pour le royaume dans son ensemble. À leur sommet, en 2008, elles ont atteint quelque 110 millions de dollars (82 millions d’euros). Elles ont chuté de moitié en 2009 à cause de la crise économique. Au vu des projets annoncés, le responsable du Centre cinématographique marocain (CCM) et président de la Ouarzazate Film Commission (OFC), Noureddine Saïl, attend un retour au niveau de 2008 pour cette année 2011, ou plus sûrement pour 2012.

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De "Ben-Hur" à "Kundun"

Les deux plus grands studios de Ouarzazate, qui accueillent nombre de films de moindre importance ou des téléfilms, et même des publicités, entre deux superproductions, ne vont donc pas rester inactifs pendant bien longtemps. Situé à l’entrée de la ville, quand on vient de Marrakech par la route du Haut-Atlas puis par celle des Kasbahs, le studio CLA est le plus récent. Il propose depuis 2005 deux plateaux, les plus importants d’Afrique, qui permettent les prises de vues en intérieur. On peut encore voir dans ces bâtiments divers décors impressionnants, dont une immense galère de plusieurs dizaines de mètres de long construite devant une grande piscine permettant de simuler des scènes de haute mer – vestige du tournage d’un remake de Ben-Hur pour la télévision.

L’autre grand studio, L’Atlas, désormais lié à CLA, a été créé dès 1985 et possède depuis de nombreuses années une allure fort spectaculaire. On y entre à travers une muraille rappelant les remparts de Marrakech… à cela près qu’elle comporte d’énormes statues égyptiennes incrustées. Celles-ci ont servi de décor à Mission Cléopâtre, le plus grand succès de la série Astérix, tourné à Ouarzazate en 2001. Une fois à l’intérieur de ce vaste studio en plein air, l’on peut visiter un quartier de Jérusalem (reste du tournage de Kingdom of Heaven, de Ridley Scott), un temple tibétain (utilisé pour des scènes de Kundun, de Martin Scorsese) ou encore quelques constructions romaines (pour des téléfilms italiens).

Décors imposants

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Ces éléments de décor d’une taille impressionnante « plantés » ici et là dans les 160 ha de l’espace semi-désertique que possède le studio sont là pour longtemps. La quasi-inexistence des pluies permet de conserver les plus spectaculaires (les autres étant détruits après utilisation). Ainsi peuvent-ils être à l’occasion réutilisés : des constructions réalisées pour King­dom of Heaven se sont retrouvées dans le Ali Baba et les 40 voleurs de Gérard Jugnot, de même qu’une place de marché traditionnelle reconstituée pour La colline a des yeux, du maître de l’horreur Wes Craven, a été utilisée pour le tournage d’une version récente des Dix Commandements, avec Omar Sharif. Mais ils permettront également de développer l’activité touristique.

Les autorités entendent en effet profiter de la synergie entre le tourisme et le cinéma – l’OFC évoque avec fierté à ce sujet les rencontres Moviemed (qui se sont déroulées du 19 au 22 janvier) – pour attirer des visiteurs avides de retrouver « en vrai » les décors de films célèbres dans des studios qui ont vu défiler tant de grands réalisateurs et de stars. Un musée du cinéma, rempli notamment de vestiges de tournages et de matériels cinématographiques de toutes époques, a d’ailleurs été récemment ouvert au cœur de la ville pour retenir ces mêmes visiteurs.

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Ouarzazate – dont le nom signifie littéralement « sans bruit » en berbère, autrement dit, nous assure-t-on avec le sourire, « silence, on tourne ! » – va donc continuer de parier sur sa vocation de cité internationale du cinéma. Il est vrai que les atouts du site sont peu communs. Le responsable local de l’OFC, Abdessadek El Alem, n’a aucun mal à évoquer, outre évidemment la présence des studios, un climat très clément et une luminosité exceptionnelle ; des espaces immenses et des paysages variés, avec, à proximité, des déserts de pierre et de la verdure puis, à quelques dizaines de kilomètres, des dunes de sable aussi bien que des montagnes enneigées ; des édifices spectaculaires au milieu ou à côté de villages fortifiés – certains classés par l’Unesco comme la Kasbah d’Aït Benhaddou, à 10 km de la ville, dont le ksar a servi de lieu de tournage à Lawrence d’Arabie ou à Prince of Persia. Mais aussi des « ressources humaines » compétentes et toujours disponibles, comme ces artisans locaux habitués à fabriquer décors et costumes, des techniciens du cinéma devenus très professionnels ou encore, grâce à la composition multiethnique de la population, des figurants en nombre illimité capables d’incarner des hommes et des femmes d’origines très diverses et de toutes les époques.

Liberté de création

Sans oublier le soutien de l’État, qui facilite toutes les démarches et garantit une liberté de création – d’où, par exemple, le rapatriement, il y a peu, du tournage de Sex and the City 2 au Maroc après des menaces de censure de certaines scènes à Abou Dhabi, où le film devait être réalisé. Et, last but not least, des tarifs très attrayants, le coût d’un tournage étant d’au moins 30 % à 40 % inférieur à ce qu’il est en Europe, l’écart pouvant atteindre 60 % par rapport aux États-Unis. Un atout compétitif, certes, mais que ne goûtent pas toujours les intervenants marocains, à commencer par les figurants, qui, bien que payés très convenablement selon les critères locaux, protestent parfois quand ils s’aperçoivent qu’ils sont bien moins rémunérés que leurs collègues originaires d’autres pays…

Quant aux stars, généralement vite séduites par la tradition d’accueil du Maroc, elles pourront tester le temps de leur séjour les charmes du Berbère Palace, hôtel de luxe au décor quelque peu kitsch. Et où, comme dans tous les établissements de ce type, on tentera de satisfaire au mieux chacun de leurs caprices. Par exemple celui de Brad Pitt, qui, dit-on, avait exigé il y a quelques années qu’on perce un mur afin de lui construire une porte dérobée pour se protéger d’admirateurs… qu’on n’a pourtant jamais aperçus dans les environs. 

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