Aspen au bord de la crise de croissance

Souvent à contre-courant de ses concurrents, le groupe sud-africain s’est imposé comme le premier fabricant de médicaments génériques du continent. Mais n’avance-t-il pas trop vite ?

Les laboratoires de Port Elizabeth produisent 40,6 % des médicaments anti-VIH d’Afrique du Sud. © John Mcconnico/AP/Sipa

Les laboratoires de Port Elizabeth produisent 40,6 % des médicaments anti-VIH d’Afrique du Sud. © John Mcconnico/AP/Sipa

Publié le 7 février 2011 Lecture : 3 minutes.

Aaron Motsoaledi, le ministre sud-africain de la Santé, a été très ferme le 15 janvier : économies budgétaires obligent, l’État doit réduire de moitié l’enveloppe consacrée aux achats de médicaments pour le système public de santé (elle sera finalement de 465 millions d’euros pour la période 2011-2012). Et de citer en exemple la réduction de 50 % des dépenses du gouvernement en matière d’anti­rétroviraux.

Dans un pays qui compte 1,1 million de malades du sida, ce résultat impressionnant a été obtenu grâce à la stratégie d’acteurs locaux comme Aspen Pharmacare, qui produit 40,6 % des médicaments anti-VIH du pays. Cette entreprise fabrique, par exemple, sous forme de générique, l’Abacavir – un antirétroviral pédiatrique – du britannique GlaxoSmithKline (GSK), après avoir obtenu que le géant pharmaceutique, sixième groupe mondial du secteur, lève son brevet sur ce médicament dans le pays.

la suite après cette publicité

À contre-courant

Belle réussite pour l’entrepreneur Steven Saad, à la tête d’Aspen Pharmacare, premier producteur africain de génériques pour combattre le sida. Comptable de formation, devenu millionnaire après une opération de sauvetage et de revente de l’université privée Varsity College, il crée Aspen en 1997, à 33 ans, dans une villa de Durban. Le secteur ne perçoit alors plus de subventions depuis la fin de l’apartheid, en 1994, et les fabricants sud-africains mettent la clé sous le paillasson. À contre-courant, Saad rachète en 1999 les usines de la plus grosse société pharmaceutique du pays, SA Druggists. Dans le même temps, il suggère aux ONG de se joindre à lui pour proposer à GSK et Boehringer Ingelheim de redorer leur image en concédant volontairement à Aspen des licences pour la fabrication d’anti­rétroviraux génériques. En 2001, c’est chose faite.

Aujourd’hui, le gouvernement lui accorde 57 % du marché des anti­rétroviraux distribués dans les hôpitaux publics. Soit un contrat qui, à lui seul, vaut 2 milliards de rands (environ 217 millions d’euros). Fort de sa position sur ce type de médicaments, Aspen Pharmacare s’est établi en Afrique de l’Est en rachetant, en 2008, 60 % du groupe Shelys, qui englobe le tanzanien Shelys Pharmaceuticals et le kényan Beta Health­care International. 

Des emprunts trop lourds

la suite après cette publicité

Par ailleurs, le laboratoire estime que un comprimé sur quatre pris par les Sud-Africains (toutes maladies confondues) provient de ses usines à Port Elizabeth. En 2009, dans le cadre d’une collaboration stratégique avec GSK, Aspen s’est lancé dans la fabrication d’autres médicaments (antibiotiques, traitements de l’asthme, des ulcères de l’estomac, etc.). Et à travers des accords signés avec d’autres géants de la pharmacie, il a, en principe, accès à une centaine de marchés, du Brésil au Mexique, en passant par les Émirats arabes unis ou l’Australie.

Selon son rapport annuel pour 2010, la société a enregistré une croissance de 20 % l’an passé, avec un chiffre d’affaires de plus de 1 milliard d’euros. Globalement, elle a dégagé 145 millions d’euros de bénéfices, dont 95 millions en Afrique subsaharienne. La valeur de ses actions a doublé.

la suite après cette publicité

Mais la stratégie très expansionniste de Steven Saad, notamment à l’international, ne fait pas l’unanimité. Les emprunts s’élèvent à 421 millions d’euros, et Aspen a suspendu le paiement des dividendes pour la deuxième année consécutive. « J’aime le produit, mais l’expansion va trop vite. Aspen doit d’abord se consolider », estime un analyste qui a préféré garder l’anonymat. Un autre, Quinton Ivan, de Coronation Fund Managers, au Cap, garde confiance : « Il faut comprendre que l’accord avec GSK représente une véritable internationalisation de la société, dont les bénéfices sont encore à venir. » À suivre. 

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires