Aspen au bord de la crise de croissance
Souvent à contre-courant de ses concurrents, le groupe sud-africain s’est imposé comme le premier fabricant de médicaments génériques du continent. Mais n’avance-t-il pas trop vite ?
Aaron Motsoaledi, le ministre sud-africain de la Santé, a été très ferme le 15 janvier : économies budgétaires obligent, l’État doit réduire de moitié l’enveloppe consacrée aux achats de médicaments pour le système public de santé (elle sera finalement de 465 millions d’euros pour la période 2011-2012). Et de citer en exemple la réduction de 50 % des dépenses du gouvernement en matière d’antirétroviraux.
Dans un pays qui compte 1,1 million de malades du sida, ce résultat impressionnant a été obtenu grâce à la stratégie d’acteurs locaux comme Aspen Pharmacare, qui produit 40,6 % des médicaments anti-VIH du pays. Cette entreprise fabrique, par exemple, sous forme de générique, l’Abacavir – un antirétroviral pédiatrique – du britannique GlaxoSmithKline (GSK), après avoir obtenu que le géant pharmaceutique, sixième groupe mondial du secteur, lève son brevet sur ce médicament dans le pays.
À contre-courant
Belle réussite pour l’entrepreneur Steven Saad, à la tête d’Aspen Pharmacare, premier producteur africain de génériques pour combattre le sida. Comptable de formation, devenu millionnaire après une opération de sauvetage et de revente de l’université privée Varsity College, il crée Aspen en 1997, à 33 ans, dans une villa de Durban. Le secteur ne perçoit alors plus de subventions depuis la fin de l’apartheid, en 1994, et les fabricants sud-africains mettent la clé sous le paillasson. À contre-courant, Saad rachète en 1999 les usines de la plus grosse société pharmaceutique du pays, SA Druggists. Dans le même temps, il suggère aux ONG de se joindre à lui pour proposer à GSK et Boehringer Ingelheim de redorer leur image en concédant volontairement à Aspen des licences pour la fabrication d’antirétroviraux génériques. En 2001, c’est chose faite.
Aujourd’hui, le gouvernement lui accorde 57 % du marché des antirétroviraux distribués dans les hôpitaux publics. Soit un contrat qui, à lui seul, vaut 2 milliards de rands (environ 217 millions d’euros). Fort de sa position sur ce type de médicaments, Aspen Pharmacare s’est établi en Afrique de l’Est en rachetant, en 2008, 60 % du groupe Shelys, qui englobe le tanzanien Shelys Pharmaceuticals et le kényan Beta Healthcare International.
Des emprunts trop lourds
Par ailleurs, le laboratoire estime que un comprimé sur quatre pris par les Sud-Africains (toutes maladies confondues) provient de ses usines à Port Elizabeth. En 2009, dans le cadre d’une collaboration stratégique avec GSK, Aspen s’est lancé dans la fabrication d’autres médicaments (antibiotiques, traitements de l’asthme, des ulcères de l’estomac, etc.). Et à travers des accords signés avec d’autres géants de la pharmacie, il a, en principe, accès à une centaine de marchés, du Brésil au Mexique, en passant par les Émirats arabes unis ou l’Australie.
Selon son rapport annuel pour 2010, la société a enregistré une croissance de 20 % l’an passé, avec un chiffre d’affaires de plus de 1 milliard d’euros. Globalement, elle a dégagé 145 millions d’euros de bénéfices, dont 95 millions en Afrique subsaharienne. La valeur de ses actions a doublé.
Mais la stratégie très expansionniste de Steven Saad, notamment à l’international, ne fait pas l’unanimité. Les emprunts s’élèvent à 421 millions d’euros, et Aspen a suspendu le paiement des dividendes pour la deuxième année consécutive. « J’aime le produit, mais l’expansion va trop vite. Aspen doit d’abord se consolider », estime un analyste qui a préféré garder l’anonymat. Un autre, Quinton Ivan, de Coronation Fund Managers, au Cap, garde confiance : « Il faut comprendre que l’accord avec GSK représente une véritable internationalisation de la société, dont les bénéfices sont encore à venir. » À suivre.
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