Ports voisins en embuscade

ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 2 février 2011 Lecture : 3 minutes.

Comme après septembre 2002, la crise ivoirienne devrait bénéficier aux ports de la sous-région au détriment de celui d’Abidjan, principale plateforme avec 24 millions de tonnes de marchandises en 2010, loin devant ses concurrents. Selon le directeur commercial du port autonome de Dakar (PAD), Momar Ba, « les navires thoniers ont commencé à être déroutés vers Dakar par leurs armateurs ». Si la crise perdure, il s’attend aussi à une augmentation du trafic des biens de première nécessité à destination du Mali. « Sucre, riz, lait, véhicules… Tous ces produits seront amenés à passer par le PAD », assure Momar Ba. La plateforme dakaroise pourrait également récupérer une partie des exportations cotonnières maliennes qui passent par Abidjan. De quoi accroître davantage encore l’activité du PAD, qui a déjà, augmenté de 60 % depuis le premier semestre 2010.

Même son de cloche au Togo. « Compte tenu de la crise ivoirienne et du choix des importateurs nigériens de travailler avec nous, nous rencontrons actuellement des problèmes de congestion, explique Kwame Wili Néné, directeur commercial du Port autonome de Lomé. Nous misons sur un trafic de 8,5 millions à 9 millions de tonnes en 2011, contre 8 millions en 2010. » On observe également un regain d’activité sur les plateformes de Takoradi et de Tema, au Ghana, ainsi qu’au port de Cotonou, au Bénin. Toutes les activités connexes en profitent : transitaires, transporteurs, sociétés de service logistique… « On s’attend à ce qu’une partie du cacao ivoirien transite par le Ghana », précise un opérateur. Mais le déroutement des marchandises a un prix. Pour la fibre de coton, la Sofitex estime que l’évacuation par le port de Lomé entraîne un surcoût de 20 à 25 F CFA par kilo.

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Hormis l’activité portuaire, cetains misent sur la délocalisation de grands groupes vers le Ghana et le Sénégal. Cela pourrait notamment bénéficier au secteur immobilier. « Il est encore trop tôt pour le dire, estime un agent de la Mission économique française à Abidjan. Beaucoup ont parlé de ces délocalisations après la crise de 2002. En réalité peu de sociétés sont parties. »

« Nous sommes habitués aux périodes de crise, explique Ibrahima Fanny, maire de Bouaké. Les commerçants ont pris leurs dispositions pour approvisionner nos marchés à partir des productions locales ou via les pays limitrophes. » Les banques locales fonctionnent. Et les populations ne souffrent pas, pour l’instant, d’une inflation des denrées alimentaires. Même chose pour le carburant, qui transite par le port de Lomé et le Burkina Faso. « On constate une hausse du prix des boissons, du ciment et des équipements électroménagers venant d’Abidjan, précise toutefois Soro Kanigui, délégué des Forces nouvelles (FN) dans la région de Korhogo. Le retour de nombreux barrages dans les deux parties du territoire entraîne des surcoûts. »â©Les exportateurs du Nord, comme les maraîchères de Ferkessédougou ou les éleveurs de bétail, sont également touchés par le blocus du Sud décrété par le Premier ministre, Guillaume Soro. Il pénalise également son « administration » dans le Nord, qui prélève 50â¯milliards de F CFA par an (76â¯millions d’euros) de taxes et de droits de passage sur le corridor reliant le port d’Abidjan au Burkina Faso et au Mali. Toutefois, les FN autorisent les exportations de coton (217 000 tonnes attendues) vers Abidjan. Idem pour l’anacarde, dont la récolte débutera en février.â©Si la crise s’enlise, le Nord devrait rebasculer dans une économie de guerre. L’administration fiscale, en cours de redéploiement, a suspendu ses activités. Et des investissements pourraient en souffrir : Olheol devait relancer l’huile de coton de Korhogo, tandis que le groupe Olam construit à Bouaké une usine de transformation de l’anacarde. Quant au tourisme, inutile d’espérer quoi que ce soit pour l’instant.

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