Côte d’ivoire : deux 
 »ADO Boys » à Paris

Les écrivains ivoiriens Venance Konan et Tiburce Koffi sont en « mission » à Paris pour porter la parole du président élu Alassane Dramane Ouattara. Un engagement politique qui aurait été impensable il y a quelques années. Explications.

Tiburce Koffi (à g.) et Venance Konan, à Paris, le 19 janvier. © Vincent Fournier, pour J.A.

Tiburce Koffi (à g.) et Venance Konan, à Paris, le 19 janvier. © Vincent Fournier, pour J.A.

Publié le 31 janvier 2011 Lecture : 3 minutes.

Mercredi 19 janvier, à l’aube. Dans le taxi qui les mène de l’aéroport Charles-de-Gaulle au centre de Paris, Venance Konan et Tiburce Koffi prennent réellement conscience que leur exil a commencé. Arrivés par un vol Air France en provenance de Ouagadougou, les deux écrivains-journalistes ivoiriens, exfiltrés d’Abidjan par les forces internationales, vont réapparaître au grand jour alors qu’ils se terraient depuis plus de deux mois.

« Depuis notre engagement pour la coalition houphouétiste, nous faisons régulièrement l’objet de menaces et d’intimidations, explique Koffi. Mais nous n’avons vraiment pris la mesure du danger que lorsque les Cecos – les militaires fidèles à Laurent Gbagbo – sont venus nous traquer jusque dans nos anciens domiciles. Heureusement, nous avions tous les deux changé d’adresse. »

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Verbe incisif contre Gbagbo

Depuis des semaines, les deux quinquagénaires au verbe incisif multiplient les lettres ouvertes à Laurent Gbagbo pour lui demander de quitter la scène politique. Le camp de ce dernier riposte en les traitant de mercenaires de la plume et de girouettes. Il est vrai qu’il y a dix ans, Venance Konan et Tiburce Koffi étaient à mille lieues de s’imaginer qu’ils se mobiliseraient un jour pour défendre la victoire d’Alassane Dramane Ouattara (ADO). Militant du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), le premier tirait à boulets rouges sur ADO, après avoir surfé sur la vague de l’ivoirité. « Jusqu’à la fin de 1998, j’agissais sans réfléchir, comme un simple partisan, reconnaît aujourd’hui Konan. Quand j’ai entrevu les dangers des rivalités ethniques, que je dénonce dans Les Prisonniers de la haine [roman paru en 2003, NDLR], j’ai combattu ce concept d’exclusion. »

Quant à Koffi, c’est plus simple encore : il ne jurait que par Gbagbo. « Compagnon de gauche de l’ancien président, je me suis laissé emporter par la haine de Ouattara, assume l’intéressé. Venance m’a ouvert les yeux un jour de 2004. Je venais d’intervenir à la télévision nationale pour dénoncer l’attitude de la France. Le camp présidentiel m’avait informé que l’ancienne puissance coloniale avait attaqué militairement le Palais des hôtes à Yamoussoukro. Venance m’a dit : “Vérifie auprès de tes amis qui y travaillent, et tu verras que c’est faux.” » Depuis, ce professeur de lettres s’est affranchi du passé en publiant plusieurs ouvrages, dont Côte d’Ivoire : l’agonie du jardin, du grand rêve au désespoir (2006).

« À l’époque, je traitais déjà Gbagbo de criminel et de dictateur, alors que Tiburce était son inconditionnel défenseur. Nous nous sommes même battus à cause de lui, en 2003, lors d’un week-end à Taabo », raconte Konan, hilare à l’évocation de ce souvenir.

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Compères baoulés

Dans les prochains jours, les deux compères baoulés ont prévu de faire la tournée des télévisions, des radios et des journaux français. « ADO ne nous a pas mandatés. Nous nous sommes personnellement envoyés en mission », jurent-ils. Leur message : « Le peuple s’est déplacé massivement pour cette élection, il faut respecter la démocratie » ; « Le criminel, ce n’est pas Sarko, c’est Gbagbo. Les intellectuels qui le défendent profitent de notre crise pour régler leur problème psychosomatique avec la France » ; ou encore : « La communauté internationale a un devoir d’ingérence pour protéger des vies humaines, c’est de l’assistance à peuple en danger ». L’idée qu’une force internationale vienne libérer la Côte d’Ivoire est pourtant un crève-cœur pour deux hommes, connus pour leur combat contre le néocolonialisme et pour l’indépendance africaine. « C’est malheureusement le prix à payer… », lâche Koffi, amer.

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