De la clairvoyance des ambassadeurs de France en Tunisie
S’il est de bon ton ces jours-ci de critiquer le manque de vigilance de Pierre Ménat, l’ambassadeur de France en Tunisie depuis quinze mois, qui n’a pas su anticiper, dans ses messages adressés au Quai d’Orsay, la chute de Ben Ali (mais qui l’a su ?), force est de reconnaître qu’aucun de ses prédécesseurs n’a fait mieux. Selon un ancien du Quai, qui a eu accès à la plupart des télégrammes diplomatiques échangés entre Tunis et Paris au cours des vingt dernières années, « sur les huit ambassadeurs de France successifs de l’ère Ben Ali, un seul a vraiment tiré la sonnette d’alarme sur les dérives mafieuses du système, mais il n’a pas été écouté ». Il s’agit d’Yves Aubin de la Messuzière, en poste de juillet 2002 à juillet 2005. Cette même source juge « surréaliste » l’exercice de rétroclairvoyance auquel s’est livré dans divers médias depuis le 15 janvier l’amiral Jacques Lanxade sur le thème « cette révolution était inéluctable ». Ambassadeur à Tunis d’octobre 1995 à la fin de 1999 (plus de quatre ans : un record sous Ben Ali), Lanxade affirme avoir averti Paris, « dès 1999 », que « la dérive autoritaire de ce régime le condamnait ». Une mise en garde dont notre source assure n’avoir conservé « aucun souvenir ». Au contraire, selon cet ancien diplomate, Jacques Lanxade a été, avec ses collègues Jean-Noël Bouillane de Lacoste (1992-1995), Daniel Contenay (1999-2002) et Serge Degallaix (2005-2009), « l’un des plus favorables au régime en place ». En réalité, conclut-il, « il existe deux catégories d’ambassadeurs. Ceux qui se contentent dans leurs télégrammes de décrire les faits, y compris l’affairisme des familles présidentielles. Et ceux qui osent préconiser des mesures concrètes pour s’opposer aux abus. En vingt-trois ans de benalisme, je n’ai vu qu’Aubin de la Messuzière avoir ce courage ».
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